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Bénin – scrabble : “Nic”, le crack en or

 Bénin – scrabble : “Nic”, le crack en or

C’est peut-être l’histoire de sa vie : un jeune qui s’est condamné à être éternellement premier. Nicanor Covi vient de décrocher son tout premier titre de champion du Benin de scrabble. Entre deux balbutiements de lèvres, il s’ouvre.

Derrière le clair sombre de ses lunettes photochromiques, ses yeux à peine visibles scintillaient encore. D’un naturel calme, il a la répartie ductile et la passion écarlate quand il s’agit de parler Scrabble, surtout de ce titre de champion du Benin qu’il a remporté le dimanche 17 avril 2022.

A l’heure de se raconter, de mettre des mots sur ce parcours exceptionnel, il y a de l’excitation dans sa voix, il se caresse le menton puis s’entremêle les doigts. Mais comme souvent avec Nicanor, tout amateur de belles lettres qu’il est, les mots sont toujours bien choisis, le discours policé et le ton aux frontières du professoral « Labor omnia vincit improbus », commente-t-il, tout sereinement. Une expression latine pour résumer sa performance : « Un travail opiniâtre vient à bout de tout. »

La métaphore est bien trouvée par celui qui vient de battre le président de sa fédération, Hervé Boni, un vétéran du jeu avec ses trois décennies de pratique du scrabble. Une victoire presque davidique qui donne du panache et de la couleur au triomphe. Très tôt mené (2-0) dans la partie, celui qu’on surnommait dans une autre vie « Nic la mort » a dû faire une remontée spectaculaire pour finir par l’emporter 3-2 au tie-break. « Hervé, c’est un très grand champion, un redoutable champion », admet le nouveau souverain du scrabble classique béninois avec beaucoup de respect dans les propos. Jamais loin de la comparaison dans le langage, il puise cette fois-ci dans sa culture footballistique pour illustrer : « C’est comme si le Shakhtar Donetsk affronte le Réal Madrid en finale de Ligue des champions par exemple ».

Sa joie frénétique traduite dans une petite vidéo de seulement cinq secondes publiée sur la page Facebook de la Fédération béninoise de scrabble se passe de tout commentaire : Une onomatopée « ouh !!! » suivie d’une gestualité co-grammaticale, puis il se donne un coup de poing dans le creux de la main gauche et fini par lâcher « enfin champion du Benin ! » le tout dans un regard noir, le visage fermé, les nerfs frontaux à fleur de peau. Un “body langage” qui retrace toute la souffrance de l’énarque dans la conquête du graal.  « Il y a dans ce cri de la libération » commente-t-il, avant de finir par arborer un sourire franc et puérile quand il se redécouvre dans la vidéo « Il est vrai, il est réel avec beaucoup de sincérité » glisse-t-il avec élégance.

Combativité

Si Nicanor plane aujourd’hui au firmament du scrabble classique béninois, c’est la résultante de plusieurs années de pratique et d’entraînement à haute intensité. C’est en 2001, que le tout nouveau champion du Benin découvre le scrabble. Et tout de suite, le coup de foudre.  « Un soir de 2001, un oncle à moi est venu avec un carton de scrabble sous le bras. Et c’est mon père qui était convié à jouer contre lui. Puis le soir d’après un autre oncle s’est joint à eux. Moi je tenais la table. Et cela a été l’épisode de tous les soirs de ma jeune enfance ». De secrétaire de séance au patron boucantier, la passerelle est très vite tracée et tout bascule ce soir où pour la toute première fois Nicanor, alors simple apprenti scrabbleur est invité à introduire sa main dans la sacoche.  « Un jour, un de mes oncles a manqué à l’appel. J’ai été alors convié à le remplacer. C’est ainsi que j’ai placé mes premiers pions sur la grille. Et ce soir, je les ai tous battus. Ça a été le déclic, je me suis dit : je suis bon à ce jeu ! » A cet instant du récit, il s’arrête et glisse un sourire nostalgique. L’insouciance doublée de l’insolence au jeu vaudra au petit Nicanor d’être congédié par ses parents, adversaires d’un soir. Sans doute pour éviter un autre revers face à un môme à peine pubère. Dictature.

Pendant les sept années qui suivent, il en fait sa distraction favorite, martyrisant à longueur de journée ses camarades de classe. Nicanor se croyait alors petit génie de ce jeu de société. Mais il sera descendu de son piédestal jupitérien quand il découvre la dure réalité du scrabble de compétition. Premier revers pour lui, c’est à l’université.  « Lors d’un tournoi de détection de la fédération, je me fais tabasser en demi-finale. Mais alors là, tabasser ! », se souvient-il. C’est ainsi que celui qui se considère comme un homme de défi s’inscrit au club “les intrépides” en 2008 auquel il voue fidélité jusqu’à présent. Il n’avait alors que 21 ans quand il fait son entrée dans l’arène. A l’époque, les maîtres de la scène scrabble au plan national étaient connus : Julien Affaton (champion du monde de scrabble classique en 2014) François Xavier Adjovi, Hervé Boni, Émile Agbanglassi, Éli Ahinan (décédé, ndlr), Rodrigue Adjajoungbeta (décédé, ndlr) et bien d’autres qui performent jusqu’à présent.

Au milieu de ces mastodontes du jeu, il fallait pour lui se frayer un chemin sur des sentiers épineux. « Je ne voulais pas être un faire-valoir. Alors j’ai travaillé quatre fois plus. Au bas mot, je pratique depuis 14 ans, minimum quatre heures de scrabble par jour ». Une régularité dans l’effort qui lui permet de trôner sur le scrabble béninois aujourd’hui, lui qui a déjà perdu deux finales par le passé en 2016 et 2018. C’est donc pour le chef du desk culture de la télévision nationale du Bénin, une revanche sur l’histoire et un couronnement de presque quinze années de durs labeurs.

Challenge

Avec ce titre en poche, c’est un premier pas de franchi pour Nicanor Covi. Passé l’euphorie de la première fois, il retourne à ses logiciels d’entraînement. Être champion, c’est comme le nectar des dieux. Après y avoir goûté, on en désire davantage. L’Afrique est prévenue, le jeune crack vient. Il va représenter le Bénin aux prochains championnats d’Afrique de scrabble à Yaoundé au Cameroun, même si pour l’heure, il reste modéré dans ses attentes. «  Je n’ai peut-être pas encore le niveau de rivaliser avec les dix meilleurs du continent. Mais je m’en approche dangereusement et sérieusement parce que je travaille pour. Mais les vraies médailles pour moi, ce sera dans deux, trois ans ». Pour autant, il ne se porte pas vers ses joutes continentales pour faire de la figuration. Il sait que le Bénin, bon élève dans cette discipline sportive est sevré de titres depuis quatre ans. Ça commence par faire long. Pourquoi pas lui encore le messie.

Mais avant d’aller régner sur le continent, le champion du Benin veut aller conquérir des titres en duplicate dès le mois prochain. Le “loup sauvage” (son surnom, ndlr) n’est pas encore rassasié. A terme, c’est clair, il veut finir champion du monde. L’ancien champion du jeu “génies en herbe“ redouté de l’Ecole nationale d’administration (ENA, précédemment ENAM) suit les traces des grands champions. Biberonné à la culture générale par ses parents enseignants de carrière, il a dévoré la bibliothèque familiale. Nicanor a lu Birago Diop, Sony Labou Tansy, Alioum Fantouré et bien d’autres auteurs de la littérature africaine. Dans l’encyclopédie, il s’est fortement cultivé. Nicanor connait Hugo et son romantisme, Flaubert et son réalisme, Zola et son naturalisme, Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski et ses envolées romanesques.

Il est aujourd’hui une machine à broyer. Et pour lui l’aventure ne fait que démarrer.  « J’aime relever des défis. Je pense que la vie, elle-même est un défi en soi. Tant qu’à y vivre, autant se donner à fond pour tout ce qu’on aime. Et tout ce que moi j’aime, c’est les jeux de l’esprit. Triturer mes neurones. Vivre ma vie dangereusement dans les lettres. »

Herman Rodrigue AMEGAN

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