Crise Bénin Niger : Le réalisme prend le dessus

Toujours fâchés avec Patrice Talon, le général Abderamane Tiani a de nouveau décidé de faire embarquer le pétrole brut nigérien au port de Sèmè. Un revirement spectaculaire, le chef de la junte de Niamey ayant entre temps annoncé l’abandon définitif du pipeline entre son pays et le Bénin.

Selon l’information révélée par RFI, le chargement du pétrole nigérien au port de Sèmè devrait reprendre très bientôt. En tout cas, annonce le média qui, d’habitude, détient ses informations de sources crédibles, un bateau mouille au large de Cotonou depuis le 16 août 2024 à cet effet. Les activités avaient été arrêtées en juin dernier suite au rebondissement de la crise entre les deux pays, une crise consécutive au coup d’Etat militaire à Niamey et aux sanctions imposées par la Cedeao à la junte.
Cette reprise imminente des activités de chargement est le signe que le réalisme est en train de prendre le pas sur le bras-de-fer entre les deux pays depuis juillet 2023. Le 8 mai dernier, alors que le bateau chinois de la société Wapco était prêt à embarquer le précieux or noir, le président Patrice Talon stoppé l’opération, suscitant du coup l’émoi chez le voisin du nord. « Nous avons dit aux Chinois qu’il ne peut pas y avoir de bateaux dans nos eaux pour charger des produits nigériens alors que le Niger a interdit tout échange avec le Bénin en fermant ses frontières », s’était alors justifié le chef de l’Etat béninois qui, après quelque temps, s’est ravisé.
Alors que le malentendu semblait dissipé, les autorités béninoises ont arrêté, début juin, six cadres nigériens de la société Wapco chargée de l’extraction et du transport du pétrole brut. Ces derniers se seraient introduits dans le site de Sèmè munis de faux badges.
Depuis ce dernier incident, la junte nigérienne a décrété l’abandon définitif du pipeline et envisagé d’en construire un autre d’Agadem qui passerait par le Cameroun via celui du Tchad. Cette route, beaucoup plus courte, serait économiquement plus viable, Agadem étant plus proche à la fois du Tchad, du Cameroun et du Nigéria. Au lieu de ce tracé, les concepteurs du projet ont préféré faire un grand détour, ce qui a coûté la bagatelle de plus de 2,3 milliards de dollars soit 1367 milliards de francs cfa entièrement financé par des prêts.
Construire une autre route serait donc jeter tout cet argent par la fenêtre puis chercher à prêter d’autres fonds tout en se trouvant dans l’obligation de le rembourser. Le Niger, qui compte sur l’or noir pour sortir de la misère, ne peut se permettre un tel gaspillage.
Les autorités de Niamey sont toujours en colère contre Patrice Talon qu’elles ont accusé dans un premier temps d’héberger des bases militaires françaises avant de revenir sur leurs accusations et de déclarer qu’il s’agit plutôt de soldats noirs, français et béninois, qui seraient déployés pour déstabiliser leur régime.
Le besoin pressant d’argent frais a fait passer de côté toutes autres considérations… comme ce sera sans doute le cas avec l’ouverture prochaine de la frontière entre Malanville et Gaya. Le Niger n’attend pas moins de 26 milliards de francs cfa par mois de la vente de ce pétrole brut, contre 800 millions pour le Bénin.

Pierre MATCHOUDO