Politique: Les déçus de Talon

Jusqu’au bout, ils ont espéré une part du gâteau,  mais le président Talon est resté insensible.

Depuis l’avènement de la démocratie au début des années 1990, les lendemains des scrutins législatifs étaient caractérisés par une redistribution des cartes. Pour se donner de nouvelles forces politiques, les présidents de la République avaient pour habitude de remanier leurs gouvernements. Ainsi, les partis les mieux positionnés et faisant partie de la nébuleuse présidentielle se voyaient confier plus de ministères ou des portefeuilles stratégiques. C’était également l’occasion de revoir la répartition géographique des ministres. Les villages ayant déjà vu un de leurs ressortissants occuper le prestigieux poste cédait la place à un autre du village voisin.

Et pour ne pas faire des déçus, la localité spoliée se voyait attribuer un poste certes moins impressionnant mais « juteux ». Tout cela pour éviter les frustrations et ainsi s’assurer la fidélité d’un électorat régional. Ainsi, les cadres de chaque région se mettaient à rêver et à attendre. Avant la fin des deux quinquennats, nombre d’entre eux voyaient leurs rêves accomplis.

Pour sa part, Patrice Talon a rompu avec cette tradition de rotation de postes, au grand dam de plusieurs de ses supporters des premières heures. En effet, au lendemain de l’élection présidentielle de 2016, il n’était pas rare d’entendre des cadres déçus de n’avoir pas été nommés prétendre avoir reçu l’assurance que leur tour viendra.

Mais le statut quo qui suit les dernières élections est venu emporter l’espoir de ceux-là qui ont attendu plus de sept ans. Patrice Talon n’est ni Soglo, ni Kérékou ni Yayi Boni. Il a voulu imprimer son style de gouvernance quelles que soient les conséquences politiques que cela peut avoir. Aussi, s’est-il entouré de ses amis les plus proches et il semble entendre composer avec eux au gouvernement jusqu’au bout. Ce qui fait que ceux qui espèrent un remaniement ministériel risquent de perdre leur temps, à moins d’un changement de dernier moment. Ce qui n’est pas très probable, le chef de l’Etat n’ayant plus rien à perdre du maintien de son équipe.

La stabilité de l’équipe gouvernementale a permis aux titulaires des portefeuilles de maîtriser leurs dossiers. Avant, la durée de vie dans un poste ministériel était trop courte et, à chaque nouvelle nomination, les cadres de l’administration devaient initier le nouveau venu qui, dès qu’il commence à entrer dans le secret des choses, se voyait catapulter. Un éternel recommencement préjudiciable à l’Etat quand bien même le gain politique était évident.

Pierre MATCHOUDO