Politique béninoise : L’insaisissable Nicéphore Soglo

A 92 ans, le « patriarche » Nicéphore Soglo, comme certains l’appellent aujourd’hui est l’un des témoins incontestables encore vivants de l’histoire politique du Bénin ce dernier demi-siècle. Ministre, premier ministre, président de la République… il a tutoyé les plus hauts sommets de l’Etat.

Depuis l’arrivée du président Patrice Talon au pouvoir en avril 2016, les Béninois ont découvert en Nicéphore Soglo un opposant qui sait être intransigeant. Aux côtés de son adversaire politique et ex-chef d’Etat Yayi Boni, il a mené d’intenses combats contre la politique du régime dont il n’a du reste pas contribué à l’avènement. Et pourtant, il est paternellement originaire du plateau d’Abomey la même région dont se réclame en partie celui dont il combat la politique.

Ce dépassement du sentiment régionaliste a contribué à l’augmentation de l’estime dont il jouit par ses compatriotes. Né le 29 novembre 1934 à Badou au Togo, Nicéphore Soglo a été couronné roi de sa ville natale en mai 2017. Maternellement du Togo, il a travaillé toute sa vie pour le rayonnement du Bénin, le pays de son père et de son cœur.

Haut fonctionnaire bien avant le coup d’Etat perpétré par Mathieu Kérékou, Nicéphore Soglo s’est vu confié de grandes responsabilités par l’homme de la révolution du 26 octobre 1972. Au nombre de celles-ci, les enquêtes sur « l’affaire Kovacs », un scandale aux détours obscurs qui, en ce temps faisait la une des médias. Il avait par la suite été « envoyé » à la Banque mondiale à Washington DC aux Etats-Unis où il a occupé de hautes fonctions.

Après sa retraite et une fois de retour au Bénin, il fut choisi au poste de Premier Ministre de la transition par les délégués à la Conférence nationale en 1990, en partie parce les prétendants naturels le croyaient trop technocrate pour ambitionner la présidence de la République. Mal leur en a pris puisque, une année plus tard, il posa sa candidature et remporta le scrutin présidentiel.

Nicéphore Soglo est aussi connu comme l’homme d’un mandat unique depuis le retour de la démocratie après avoir été battu par Mathieu Kérékou qui marquait ainsi son retour à la tête de l’Etat après en avoir été écarté cinq ans plus tôt. Depuis, il s’est plus illustré comme opposant à tous les régimes. Après avoir tenté en vain un retour à la tête de l’Etat, il a fini par se contenter d’une élection à la maire de Cotonou, la plus grande ville du Bénin.

Nicéphore Soglo, c’est aussi un homme de famille. Alors que sa défunte épouse était députée à l’Assemblée nationale, il a réussi à positionner deux de ses fils dans la haute sphère politique. Alors que Léhady l’aîné fut premier adjoint au maire puis maire à la place du père, le deuxième, Ganiou, fut ministre. Les deux aussi ont été candidat à l’élection présidentielle au même moment, ce qui donnait un air de cacophonie au sein de la famille.

D’aucuns d’ailleurs expliquent la force avec laquelle il s’oppose à Talon comme étant motivée par les difficultés que Léhady éprouve depuis l’arrivée de ce dernier au pouvoir. En effet, actuellement, Léhady est en exil en France. Son jeune frère qui a été victime d’une fusillade dont les circonstances n’ont jamais vraiment été élucidées.

Opposant depuis 1996, Nicéphore Soglo sait aussi souffler le froid, parfois entretenant de bonnes relations avec ses adversaires politiques. A plusieurs reprises d’ailleurs, sa famille s’est repartie dans tous les camps politiques lors d’élections cruciales ce qui fait que, avant l’arrivée de Patrice Talon, il a toujours au moins un membre de la famille Soglo qui se retrouve du bon côté de la politique pendant que les autres animent l’opposition. Tout ceci fait que Nicéphore Soglo est vraiment resté insaisissable.

Pierre MATCHOUDO