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Dr Boris Houenou sur les relations économiques entre le Bénin et son voisin de l’Est: “Nous faisons 20% de notre PIB avec le Nigéria”

 Dr Boris Houenou sur les relations économiques entre le Bénin et son voisin de l’Est: “Nous faisons 20% de notre PIB avec le Nigéria”

A la lecture simple, tout sépare le Bénin et le Nigéria. Le Bénin, pays francophone compte moins de douze millions d’habitants et utilise le franc CFA. Le Nigéria, pays anglophone presque vingt fois plus peuplé avec son Naira. Mais dans la vie quotidienne, ce sont deux pays presque siamois. Economiste et Observateur des dynamiques politiques, sociétales et économiques sur le continent africain, Docteur Boris Houenou, dans cet entretien, aborde les relations économiques entre les deux nations. Lisez plutôt !!!

Quel est l’état de santé de l’économie béninoise de nos jours et celui de la sous-région en général ?

L’état de santé de l’économie béninoise ainsi que de la sous-région ouest-africaine est un sujet d’importance vitale pour comprendre les défis et les opportunités économiques actuels. Pour évaluer l’état de l’économie béninoise, il est essentiel de se pencher sur plusieurs indicateurs clés, notamment la croissance économique, l’inflation, le chômage, et le taux de pauvreté et de comparer ces données à celles de la sous-région, en particulier les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), tout en prenant en compte les récentes crises qui ont secoué ou continuent de secouer le monde entier.

En effet, selon la Banque Africaine de Développement (BAD), “l’économie béninoise a été résiliente face aux effets des crises récentes- COVID-19, la guerre Russie-Ukraine et la situation sécuritaire au nord du pays”. Malgré ces chocs, aussi bien externes qu’internes, mais tous négatifs, “la croissance du PIB réel a été soutenue en 2022 – 6 % – après une performance remarquable de 7,2 % en 2021. Les perspectives économiques du Bénin sont favorables — la croissance devrait rester soutenue, 6,2 % en 2023 puis 6 % en 2024. Sous l’effet de la hausse des prix des produits de première nécessité, l’inflation a augmenté à 2,5 % en 2022, contre 1,7 % en 2021. Les estimations indiquent qu’en 2023, les cours des produits pétroliers devraient se stabiliser sur le marché international, ce qui devrait contribuer à la maîtrise de l’inflation à 2,8 % en moyenne en 2023, puis à 2,3 % en 2024”. Mais ça, c’est avant la guerre Israël-Gaza qui a fait bondir le prix du baril à près de 100 dollars américain, et bien entendu la situation avec le Niger. Donc difficile de dire si les prédictions de l’inflation cette année et l’année 2024 devraient rester dans ces clous.

Relativement à la zone UMEOA, le Bénin a connu une résilience plus soutenue et une reprise exceptionnelle après COVID-19. La croissance a légèrement ralenti en 2022 à 5,7%, de 0,3% en moins que le Bénin. Cette année, les estimations indiquent aussi que le Bénin fait aussi mieux que la moyenne de l’UEMOA (6.1%) mais en 2024 nous devrions performer moins que la moyenne de l’UEMOA estimée à 7,4%, en lien avec le démarrage de l’exploitation de gisements d’hydrocarbures au Niger et au Sénégal. Au Niger nous savons que la crise perdure et avec elle des effets d’entraînement importants sur l’économie du Bénin. Donc, je doute que ces prédictions se concrétisent.

Le dernier élément que je veux évoquer, c’est la situation de la dette, de la pauvreté, du compte courant et du chômage. Selon la BAD, “l’encours de la dette a augmenté de 2,5 points du PIB pour s’établir à 52,8 % du PIB en 2022, contre 50,3 % du PIB en 2021. La pauvreté a touché 38,5 % de la population en 2019, avec un phénomène de sous-emploi important pour 72,9 % de la population. Les programmes de protection sociale (assurance maladie, assurance retraite), indispensables pour renforcer l’inclusion sociale, sont encore en début d’exécution. Le déficit du compte courant s’est également aggravé légèrement à 4,9 % du PIB en 2022, contre 4,1 % en 2021, les importations augmentant plus rapidement que les exportations. Avec le repli des prix des matières premières (produits alimentaires), un fléchissement du déficit du compte courant à 4 % du PIB est attendu en 2023, puis à 3,8 % en 2024”. Une fois encore, les chiffres non réalisés sont des estimations et à cause de la situation actuelle sur le corridor Cotonou-Niamey, ils pourraient ne pas se réaliser.

Il est toujours dit que le Nigéria offre de grandes opportunités au Bénin. Le Bénin saisit-il réellement ces opportunités-là ?

Historiquement, 20% du PIB du Bénin provient de ses échanges avec le Nigeria. Après la fermeture des frontières en 2019 et sa timide réouverture, difficile de dire si nous avons regagné ce niveau d’activité. Je doute, car en règle générale, les perturbations économiques se cicatrisent lentement. Pendant la période de fermeture des frontières et du choc qui s’en est suivi, les transformations des deux économies indiquent, qu’est-ce-qu’on échange désormais. L’activité portuaire du Bénin axée sur les exportations vers le Nigeria et les pays de l’Hinterland est clairement perturbée et il est difficile d’identifier les nouveaux produits exportables du Bénin vers le Nigeria. Les effets induits de la dynamique de création de la valeur ajoutée à la zone industrielle de Glo Djigbé devraient changer cela. C’est dire que pour saisir pleinement ces opportunités, le Bénin doit également diversifier son économie au-delà du commerce et de l’agriculture. Cela implique d’investir dans des secteurs tels que les services, l’industrie, la technologie et le développement des infrastructures pour accroître sa compétitivité vis-à-vis du Nigeria.

Il y a le Naira au Nigéria et le CFA au Bénin. Comment se font les échanges économiques entre les deux pays si on sait que la monnaie a une importance capitale?

Les échanges économiques entre le Bénin, qui utilise le Franc CFA, et le Nigéria, qui utilise le Naira, sont effectués malgré la différence de monnaie grâce à des mécanismes de change. Les taux de change entre le Naira et l’Euro, qui est la monnaie de référence du Franc CFA, sont gérés par les autorités monétaires des pays respectifs, mais en règle générale représentent les forces du marché. Le taux de change est régulièrement mis à jour pour refléter les conditions du marché. Cela permet aux acteurs économiques des deux pays de convertir leurs devises lorsqu’ils effectuent des transactions commerciales. Les entreprises et les commerçants qui souhaitent commercer entre le Bénin et le Nigéria convertissent leurs devises, que ce soit du Naira en Franc CFA ou vice versa, auprès de banques, de bureaux de change et surtout de nombreux petits changeurs.

Un Naira faible arrange-t-il le Bénin ?

Un Naira faible au Nigéria peut avoir des avantages et des inconvénients pour le Bénin, et l’impact dépend de divers facteurs. Vu du Bénin, les importations deviennent moins chères puisque qu’avec le même montant en CFA, vous avez plus de Naira. Par contre, les exportations du Bénin vers le Nigeria deviennent plus coûteuses pour les Nigérians. Donc en fonction de ce que nous échangeons et avec quelle intensité, la balance commerciale pourrait momentanément être favorable au Nigeria. Les produits que nous exportons, notamment agricoles, artisanat et services, vers le Nigeria paraîtront plus chers pour les Nigérians et donc on peut estimer que les exportations en général et dans ces secteurs importants de l’économie du Bénin vont chuter. Par contre, les produits pétroliers, manufacturés et de services que nous importons du Nigeria devront augmenter. Je ne dis pas qu’ils seront forcément moins chers, car plusieurs éléments peuvent affecter le niveau des prix, certains fondamentaux et d’autres non.

Comment doivent faire les négociants et commerçants en cas d’instabilité monétaire ?

Les négociants et commerçants peuvent prendre plusieurs mesures pour faire face à l’instabilité monétaire lorsque les taux de change et les conditions économiques sont volatils. Les conditions économiques, et le pilotage de la politique monétaire au Nigeria ont été très instables et perturbées ces quelques dernières années. Cela a des conséquences sur la valeur du Naira et par extension sur le taux d’échange avec les autres devises. Une mesure simple de gestion de risque est la diversification des devises —les négociants et commerçants devraient envisager de diversifier leurs réserves de change en détenant plusieurs devises, notamment celles des principaux partenaires commerciaux. Cela permet de réduire l’exposition aux fluctuations monétaires d’une seule devise. Lorsque possible, utiliser de contrats à terme — les contrats à terme sur les devises, mais aussi de marchandises, peuvent servir d’outils de couverture contre les risques de change. Ils permettent de fixer un taux de change à l’avance, protégeant ainsi les transactions contre les fluctuations monétaires indésirables.

Entre les gagne-petits et gros portefeuilles qui bénéficient réellement des relations économiques entre le Bénin et le Nigéria ?

Les relations économiques entre le Bénin et le Nigéria bénéficient à la fois aux gagne-petits et aux gros portefeuilles, mais l’impact peut varier en fonction de la taille de l’entreprise et de la nature des activités. Les petites entreprises, commerçants individuels et entrepreneurs bénéficient de la proximité géographique des deux pays et de la possibilité de commercer directement. Ils peuvent accéder plus facilement au marché nigérian et vendre leurs produits et services. Les artisans et agriculteurs béninois profitent de l’exportation de produits locaux vers le Nigéria. La demande pour les produits agricoles, l’artisanat et les biens de consommation est élevée du côté nigérian, ce qui crée des opportunités pour les petites entreprises béninoises. Les travailleurs informels, tels que les transporteurs transfrontaliers et les vendeurs de rue, tirent parti de l’intensité du commerce transfrontalier. Ils fournissent des services de logistique et de vente aux commerçants et aux entreprises plus importantes. Grâce à leur taille, leur agilité et leur flexibilité, ils sont probablement de vrais gagnants des échanges entre le Bénin et le Nigeria lorsqu’on sait la proportion d’informalité de ces échanges. Néanmoins, en situations de choc négatif, ils ne disposent pas d’outils de couverture efficaces, et peuvent voir leurs activités disparaître. S’ils survivent, ils deviennent nettement résilients.

Les grandes entreprises béninoises peuvent également bénéficier des relations économiques en établissant des partenariats commerciaux à plus grande échelle avec des entreprises nigérianes. Cela peut inclure des accords de distribution, de production conjointe ou d’approvisionnement. Les investisseurs qui ont les moyens de réaliser des investissements à plus grande échelle dans des projets transfrontaliers, tels que l’industrie, les infrastructures ou l’agroalimentaire, peuvent profiter des opportunités d’expansion dans le marché nigérian. Même s’ils jouissent d’une grande capacité de gestion de risque, les gros portefeuilles peuvent ne pas avoir l’agilité des petits et leur flexibilité pour ajuster et s’adapter.

Quelle est la meilleure solution pour que le Bénin puisse véritablement profiter de son voisin de l’Est?

Pour que le Bénin puisse véritablement profiter de son voisin de l’Est, le Nigéria, et renforcer les relations économiques et commerciales entre les deux pays, plusieurs mesures et stratégies peuvent être mises en œuvre. Commençons par la diversification économique–le Bénin doit réduire sa dépendance à l’égard de secteurs spécifiques, comme l’agriculture, en diversifiant son économie. Cela inclut le développement de secteurs tels que l’industrie, la technologie et les services. Si nous offrons de la variété et de la qualité, le marché nigérian en pleine croissance et mutation reste une énorme opportunité que nous avons à peine effleurée. Ensuite, démystifier et rendre attrayant le Nigeria par une approche pragmatique qui organise nos acteurs les plus qualifiés à prendre d’assaut les opportunités du pays. Nous faisons 20% de notre PIB avec le Nigeria en laissant les échanges aux mains des petits acteurs et les moins éduqués. Imaginez la marge si le meilleur de notre capital humain s’intéresse au Nigeria, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Déjà jeune, les seules personnes que je connaissais qui avait une habitude avec le Nigeria étaient mes grands-parents et mes copains déscolarisés. Je viens d’une famille qui sur plus de quatre générations a commercé avec le Nigeria. Ma remarque est que nous ne donnons pas le meilleur de nos ressources humaines dans nos relations économiques avec le Nigeria. Si cela change, déjà en éliminant clairement la barrière de la langue, une option banale et à portée de main, nous aurions déjà amorcé la mutation de nos rapports avec le Nigeria. À mon avis, au Bénin, tout le monde devrait entièrement et parfaitement parler l’anglais ou le pidgin. Une autre stratégie est la promotion de l’entrepreneuriat– soutenir les entrepreneurs béninois, en particulier les petites et moyennes entreprises qui investissent le Nigeria à travers des programmes d’accompagnement, de financement et de formation pour stimuler l’innovation et la compétitivité.

On ne peut pas parler de CFA et de Naira sans dire un mot sur la monnaie unique en gestation. Où en sont les Etats pour son effectivité?

Les États de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) devraient poursuivre leur projet d’établir une monnaie unique pour la région ouest-africaine, le “Eco”. Cette monnaie unique avait été envisagée depuis longtemps et était censée faciliter le commerce et l’intégration économique dans la région. Néanmoins, le processus fonctionne avec un péché originel: se concentrer sur nos différences au lieu de nos similarités. Tous les rapports d’experts sur la question, y compris ceux commis par la CEDEAO pour surveiller la convergence des critères, me semblent-ils, se donnent le devoir de justifier pourquoi nous ne sommes pas prêts et que nous devons attendre. Aucun grand projet ne commence avec la garantie de réussir. Je ne suggère pas de ne pas se préparer, mais il faut calibrer la préparation pour éviter le piège de la perfection. Je garde l’espoir que lorsque les chantiers politiques sont en berne au sein de la CEDEAO notamment à cause de la crise politique au Niger, Burkina Faso, Mali et la Guinée, la CEDEAO peut se réinventer en allant sur les chantiers économiques et monétaires. Plutôt d’être une menace, j’observe que la séquence crisogène est une opportunité pour rebondir en saisissant les questions économiques et monétaires comme bouée d’oxygène à l’organisation. Rappelez-vous en mandarin, Wei Ji est le mot pour représenter une crise, Wei signifie crise et Ji signifie opportunité, comme l’a si bien noté John F. Kennedy lors de sa campagne présidentielle en 1959 et 1960.

​​Un mot pour conclure

Les relations économiques entre le Bénin et le Nigéria sont essentielles pour les deux pays et offrent d’importantes opportunités de croissance. Cependant, pour en tirer pleinement parti, il est nécessaire de relever des défis tels que la langue, l’instabilité monétaire, la concurrence économique et la nécessité de diversification économique. L’intégration régionale, la coopération et la planification stratégique sont des éléments clés pour favoriser la prospérité économique dans la région. En prenant en compte la conjoncture actuelle, si nous sommes en difficulté sur le corridor Cotonou-Niamey, le corridor Cotonou-Lagos devrait être fluide, une autre sagesse de Wei Ji, qui veut que la crise entre Bénin et le Niger devienne une opportunité pour organiser notre mutation avec le Nigeria tout en gardant l’option du dialogue bilatéral avec nos frères du Niger.

Réalisation : Damien TOLOMISSI

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