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Romuald Hazoumé : « …nous avons un visionnaire à la tête de notre pays »

 Romuald Hazoumé : « …nous avons un visionnaire à la tête de notre pays »

Il est un artiste engagé dont l’œuvre s’enracine profondément dans le contexte social, politique et culturel du Bénin, mais aussi dans celui du monde globalisé. Connu pour ses masques faits à partir de bidons d’essence usagés en plastique, Romuald Hazoumè, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a bien voulu nous accorder cet entretien. Avec cet artiste contemporain hors-pair, nous avons revisité les nombreux couloirs multicolores de son savoir-faire et de son savoir-être.

Il n’y a pas que le sport qui vous passionne. Les Arts contemporains sont également votre jardin. Quelles appréciations faites-vous de l’Art béninois ?

En toute vérité, il n’est pas question de dire seulement qu’il y a des artistes. Il ne s’agit pas uniquement de faire des musées, des galeries, des expositions. Il faut créer un environnement propice, ce que le gouvernement béninois n’a pas encore compris. Il faut que celles et ceux qui interviennent dans ce secteur soient compétents. C’est un milieu très spécifique, international, de haut vol, avec ses codes qu’il faut maîtriser.

Quels sont vos rapports avec les artistes du Bénin et du monde ?

Sans aucun doute, nos rapports sont très bons. Au plan national, pas de soucis. Je leur laisse la place, car je fais une exposition au Bénin chaque 10 ans. Je viens de recevoir un artiste togolais pour des échanges. Selon ses dires, il cherchait à me rencontrer depuis neuf ans. Sa surprise a été grande du fait que je l’ai reçu sans protocole. Il a tenté de m’offrir un cadeau. J’ai refusé pour la simple raison que je n’ai pas besoin de cadeau pour lui donner des conseils. Je fais en sorte que l’on n’appelle pas mon nom avant de les nommer. Car, ils doivent aussi exister. Quoi de plus normal !

Les trésors royaux du Bénin font l’objet d’exposition itinérante à travers les continents. Votre appréciation ?

Précisons que c’est la partie contemporaine de l’exposition vue à la présidence qui voyage, pas les œuvres anciennes restituées ! Cette exposition a pour principal objectif de révéler le Bénin à travers le monde. Elle joue bien son rôle. Le Palais de la Marina à Cotonou, le Maroc et la Martinique ont déjà accueilli l’exposition. C’est actuellement le tour de la France. Tout se passe comme prévu. Nous sommes à la fin du cycle.

Pendant que le Gouvernement travaillait pour le retour des objets royaux au bercail, vous aviez émis une voix discordante. Pourquoi ?

Ce n’est pas du tout le cas. Mes propos ont été mal compris. Beaucoup de personnes ont pensé que j’étais vraiment contre la restitution. Oui, dans ce contexte qui est le nôtre, je suis contre la restitution. Ce qu’il faut comprendre est que beaucoup de personnes qui ne connaissent pas la culture de leur pays considèrent que les Français nous ont juste envoyé les reliques. Pour nous qui vivons notre culture, nous avons la conviction que ce sont les objets qui ont décidé enfin de rentrer chez eux. Ces objets étaient réclamés depuis des années par d’autres personnalités de notre pays. Mais en vain.

Pourquoi maintenant alors ?

C’est effectivement maintenant que ces pièces ont décidé de rentrer. Pour elles, la personne qui peut bien s’occuper d’elles est l’actuel Chef de l’Etat béninois. Je veux nommer Patrice Talon. De par sa mère, il est Guédégbé. Et ce patronyme incarne le plus célèbre des Babalawo (Prêtre du fâ, ndlr) de la Cour royale d’Abomey. Elles savent que leur fils peut mieux s’en occuper. Mais, en 2026, ce fils va s’en aller. Et si un catholique tropical ou un évangéliste tropical pur et dur lui succède, la probabilité est très forte qu’il ne veuille pas donner autant de considération, ni dépenser autant d’argent pour ces botchios (sculptures sacrées, ndlr). En disant en son temps que je ne suis pas d’accord, c’est ma manière à moi de mettre les Béninois en garde, aux fins de les conscientiser pour préserver ce précieux patrimoine national après le départ de Patrice Talon du pouvoir. Il a tout fait pour que ces pièces retrouvent la place qui est la leur. Je ne veux pas les perdre une deuxième fois. Je n’ai pas envie qu’on les mette quelque part pour ne plus en parler et qu’elles disparaissent comme ça a été le cas de tant d’autres qui étaient au Bénin.

Que faire alors dans ces conditions ?

Je sais que le gouvernement du Président Talon s’active pour construire des musées afin de mieux mettre en valeur ces objets. C’est formidable. Mais après ? Ma conviction est qu’il ne faut pas seulement construire des musées. Il faut les entretenir. Mais, s’il n’est plus là, et que ses successeurs pensent que les priorités sont ailleurs et qu’il vaut mieux réorienter les ressources financières ? Donc, ma position est une mise en garde qui indique que nous sommes là pour en être les gardiens. Après Talon, le processus doit continuer. Parce que c’est bénéfique pour le pays et pour les Béninois.

Comme d’autres compatriotes, vous avez exposé à la Biennale de Venise en Italie. Globalement, qu’est-ce que les Béninois peuvent retenir ?

Je n’ai pas l’impression que les Béninois sont conscients de ce que le Bénin a tiré de la Biennale de Venise. Pourtant, il faut savoir que le Bénin a réussi un grand coup avec cette première participation à l’un des rendez-vous majeurs de l’art contemporain. C’est un succès incroyable.

Et pourtant, on a parlé de gaspillage des maigres ressources financières du Bénin ?

Rires…. Les gens peuvent dire ce qu’ils pensent. Il faut penser à moyen et long termes. Il y a eu un pavillon dédié à la nation béninoise avec quatre artistes béninois qui ont bien assuré. La presse spécialisée l’a classé parmi les cinq meilleurs pavillons de la Biennale de Venise de cette année. Ce qui est énorme pour une première fois. C’est un vrai succès.

Que dire pour conclure ?

Aujourd’hui, nous avons un visionnaire à la tête de notre pays. Dans les domaines des arts et du sport, il met en place des infrastructures et des idées. Mais, il faut trouver les meilleures compétences pour mener ces idées jusqu’au bout. Dans ces milieux, il n’y a pas d’à peu près.

Propos recueillis par Pascal HOUNKPATIN

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