Démocratie en Afrique : Leçon du Liberia

En acceptant sa défaite avant même la fin du dépouillement des bulletins de l’élection présidentielle, le Libérien George Weah donne une leçon à ses pairs africains si souvent habitués à des subterfuges pour tordre le cou à la réalité.

Accepter l’évidence n’est que chose normale. Mais cette normalité est aujourd’hui une exception dans le monde politique que celui qui la respecte devient de facto un héros. C’est le cas de George Weah, candidat à sa réélection à la tête du Libéria, un petit pays membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao). Le vendredi 17 novembre alors que le dépouillement était encore en cours, il a téléphoné à son adversaire, Joseph Boakai, pour le féliciter de sa victoire. Du coup, l’ancien Ballon d’Or est devenu l’homme de la situation, celui qui a évité à son pays une crise électorale. Très serré, le résultat aurait pu être contesté par lui et ses partisans.

Il aurait également pu organiser des fraudes massives si faciles pour le titulaire du pouvoir. Il aurait pu faire bourrer les urnes, couper l’électricité lors du décomptage des voix. En amont, il aurait pu imposer ses partisans au sein de la commission électorale, influencer l’instance suprême chargée de valider le scrutin. Il aurait faire arrêter et emprisonner son principal challenger surtout que celui-ci fut vice-président du pays durant 12 ans. Il aurait donc pu lui coller des dossiers sales et ainsi l’écarter en usant du prétexte de lutte contre la corruption et les trafics de toutes sortes, George Weah aurait pu inventer mille et une choses pour rester au pouvoir quitte à provoquer un nouveau conflit dans son pays jadis meurtri pour une sanglante guerre civile.

Arrivé au pouvoir de la meilleure des façons, il le quitte triomphalement, ce qui fait de lui un exemple à suivre dans sa région si marquée par les trucages électoraux. Ses voisins immédiats que sont la Guinée et la Côte d’Ivoire ont connu leur lot de changements opportuns des constitutions en vue d’accorder un troisième mandat au titulaire du pouvoir. Même les modèles de la démocratie au sein de cette Cedeao ont trébuché à un moment récent de leur histoire.

En effet, à quelques exceptions près, les pays de l’Afrique de l’Ouest sont en proie à la contestation des régimes en place, ce qui ici et là a conduit à des coups d’Etat militaires ou à de profonds ressentiments. Les acteurs du pouvoir saisiront ils au bond la balle que leur envoie l’ancien footballeur et ainsi faire amande honorable lors des prochaines élections ? 

Pierre MATCHOUDO