Crise avec le Niger : L’erreur du Bénin

S’il y a une chose que la crise avec le Niger révèle, c’est l’erreur qui a consisté à mettre en place des politiques économiques faisant du Bénin un pays de transit, un trait d’union avec ses voisins.

Pays enclavé, le Niger a besoin d’un accès à la mer pour ses importations et ses exportations jusqu’à récemment limitées à l’uranium. Il était donc normal que le Bénin profite de sa position qui fait de son unique port la ligne la plus courte avec Niamey. Déjà même avant l’indépendance, des infrastructures routières ont été mises en place à cet effet.

Au nombre de celles-ci, une route que les gouvernements successifs ont toujours tenté de maintenir dans un bon état de fonctionnement, mais aussi le chemin de fer dont la société de gestion fut baptisée Organisation commune Bénin-Niger (Ocbn). Les deux pays ont voulu prolonger ces rails jusqu’à Niamey, mais le projet tarde à se concrétiser.

Il n’empêche, les recettes issues de taxes portuaires et de transit vers le Niger sont devenues cruciales pour l’économie béninoise. Quand bien même le passage des véhicules entre les deux pays provoquent accidents et désolation le long de la route, il n’était pas envisageable pour l’Etat béninois de se passer de cette manne que sa position géographique lui donne. L’on comprend donc pourquoi le président du Bénin tente par tous les moyens à forcer la main à son homologue putschiste du Niger afin que celui-ci ouvre la frontière.

Si le Bénin constitue un débouché naturel pour le Niger, l’autre voisin, le Nigéria, est pour sa part vu comme un marché tout aussi naturel. Ensemble, les deux pays font vivre le port du Bénin. Si le voisin de l’est dispose de plusieurs ports, les dysfonctionnements politiques, économiques et sécuritaires font du Bénin un choix de prédilection pour les hommes d’affaires. Installés à Cotonou par milliers, ils préfèrent débarquer les marchandises sur place avant de les convoyer vers leur pays d’origine. Riz, sucre, vêtements usagés et surtout voitures de seconde main, tout passe par le port de Cotonou. Le Bénin s’est même positionné comme porte d’entrée du Nigéria, invitant les investisseurs à passer par Cotonou.

Si cette politique a souvent généré des ressources financières pour l’Etat et aussi de l’emploi sur place, elle s’est révélée soumise à l’humeur des gouvernants du Nigéria. Ainsi, en 2019, ce pays a fermé ses frontières une année durant, ce qui a perturbé les transactions commerciales.

Durant la période de la révolution marxiste-léniniste, l’un des slogans favori des dirigeants disait « comptons d’abord sur nos propres forces ». Aujourd’hui plus que jamais, ce cri de ralliement est plus que d’actualité. Asseoir sa souveraineté économique sur le bon vouloir de ses voisins est une option plus que risquée. Certes, aucun pays ne peut vivre en autarcie, mais il est important de réfléchir aux voies et moyens qui permettront de moins subir les caprices de ses voisins.

Pierre MATCHOUDO