Augmentation du prix du carburant de contrebande: L’Etat béninois se frotte les mains

Le président Nigérian augmente le prix du carburant et l”Etat béninois se frotte les mains. Mais pour combien de temps?

Le nouveau président du Nigéria n’a pas attendu longtemps pour prendre une décision que ses prédécesseurs n’ont pas osé prendre. Il a annoncé la suppression de la subvention sur l’essence, une subvention qui faisait que le carburant était vendu dans ce pays à des tarifs les plus bas de la sous-région. Cette décision affecte l’ensemble des Nigérians déjà frappés par l’augmentation des prix dans tous les secteurs.

Au Bénin, cette annonce a eu une onde de choc au Bénin, un pays fortement dépendant de son grand voisin. Le prix du carburant est subitement passé du simple au double soit de moins de 400 francs CFA à 800 francs dans certaines régions. La quasi-totalité des Béninois se ravitaillent en carburant importé illégalement du Nigéria et vendu dans des bouteilles au bord des routes. Depuis plusieurs décennies, tous les gouvernements ont tenté en vain de lutter contre cette contrebande.

En marge du compte rendu du Conseil des ministres du mercredi 31 mai dernier, le porte-parole du gouvernement semble se réjouir de la décision du président du Nigéria, faisant remarquer qu’il fallait s’y attendre tôt ou tard. Pour lui, le gouvernement a anticipé en construisant des stations essences dans tout le pays. Il espère que les consommateurs vont enfin s’y rendre pour s’approvisionner en carburant. « Nous savons bien qu’un jour, aujourd’hui ou demain, dans notre pays, il sera impossible sinon très compliqué de profiter du “kpayo” parce qu’il suffit qu’un jour, le Nigeria change de politique, change d’approche ou que peut-être les voies qui permettent au kpayo de venir chez nous se ferment. … », a déclaré Wilfried Léandre Houngbédji.

Le rapport prix-qualité est aujourd’hui à l’avantage du carburant du circuit officiel mais pour combien de temps? Déjà au Nigéria les syndicats ont annoncé un mouvement de grève qui vise à faire ployer le nouveau président. Même si ce dernier ne revient pas sur sa décision, il est évident que des concessions seront faites de part et d’autre, ce qui se traduira de toutes les façons à la diminution du prix par rapport à aujourd’hui.

Premier producteur de pétrole en Afrique, le Nigéria importe presque la totalité du carburant utilisé dans le pays. Un paradoxe que le pays cherche à résoudre à travers la raffinerie récemment inaugurée à Lagos. Mais alors, d’où provient l’essence importée au Bénin par voie de contrebande ? S’il n’est pas facile de savoir les chemins tortueux que suit ce précieux liquide, il est par contre certain qu’il est volé et rarement des stations d’essence.

La région du Delta au Nigéria avec ses riches gisements, connait d’intenses activités de raffinage illégal qui entraînent d’immenses pertes pour l’Etat. Les forces de sécurité chargées de lutter contre le fléau découvrent régulièrement des pipelines clandestins, reliés à ceux installés par les sociétés officiellement reconnues. Cet or noir est raffiné dans des conditions sécuritaires et environnementales des plus catastrophiques.

Quoi qu’il en soit, les voleurs de carburant, souvent protégés par de hauts dignitaires, n’ont rien à voir avec la décision de Bola Tinubu d’augmenter le prix de l’essence à la pompe. Ceux-ci font des affaires avec des réseaux qui leur permettent d’exporter du produit fini et au prix qui leur convient. Face à cette réalité, la crise actuelle de carburant n’est que temporaire. Même si les prix ne reviennent plus à l’ancienne, les contrebandiers s’arrangeront toujours pour vendre en-deçà du prix à la station qui est actuellement à 650  francs CFA.

Tant que des dispositions hardies ne seront pas prises pour contrôler les frontières terrestres et maritimes, l’Etat et ses stations-services resteront toujours perdants face à l’essence de rue.

Pierre MATCHOUDO