Adrien Houngbédji : L’homme de tous les combats politiques

S’il y a encore un témoin vivant de toute l’histoire du Bénin indépendant, c’est bien Me Adrien Houngbédji, le dinosaure de la politique béninoise qui fête ses 80 ans ce 5 mars 2022.

Revenu en 1989 à bord d’un avion spécialement affrété par Omar Bongo, Adrien Houngbédji foulait les pieds dans son pays après de longues années d’exil. Pour ce retour, le père de l’actuel président du Gabon avait bien pris soin de mettre le « colis » entre les mains d’un de ses ministres. Et pour cause : sur la tête d’Adrien Houngbédji pesait une double peine de mort prononcée par le régime révolutionnaire du général Mathieu Kérékou qui lui demande, comme à tous les exilés politiques, de revenir au pays pour la Conférence nationale.

Depuis, l’homme qui a fait renaître de ses cendres le PRD est devenu l’acteur incontournable de la politique béninoise. Quatre fois candidat à l’élection présidentielle, il s’en est presque toujours sorti avec le score honorable de 2e au premier tour, ce qui toutefois est insuffisant pour faire de lui le Président de la République. Par trois fois, il a été président de l’Assemblée nationale et a ainsi eu l’honneur d’avoir été élu au parlement chaque fois qu’il s’est présenté aux élections législatives.

L’essentiel de la carrière politique de l’homme de Porto-Novo s’est déroulé dans l’opposition. Opposé au pouvoir révolutionnaire qui a dirigé le pays de 1972 à 1989, il a dû fuir le pays d’après certaines indiscrétions, une serviette nouée autour de la hanche sans doute avec la complicité de certains geôliers qui étaient chargés de le surveiller dans sa prison. Revenu à la faveur du retour de la démocratie, il n’a jamais été tendre ni avec Mathieu Kérékou qui l’a fait condamner à mort et l’a gracié ni avec Yayi Boni, l’homme qui a surgi en 2006 pour lui ravir la victoire à l’élection présidentielle, au moment même où il était certain que son heure était venue.

Mais, être dans l’opposition coûte. L’avocat Adrien Houngbédji qui a fait fortune au Gabon où il défendait les intérêts du président de ce pays et d’une compagnie pétrolière française, a investi des fortunes dans les différentes élections, sans gagner grand-chose en retour. En 2016 encore, il s’est retrouvé du « mauvais » côté en appelant à voter pour Lionel Zinsou lors d’une élection présidentielle finalement remportée par Patrice Talon. Sans doute las d’être toujours dans l’opposition, il fit aussitôt allégeance au vainqueur, ce que d’aucuns ont critiqué. Mais le jeune procureur du Bénin au début des années 1960, a sans doute tiré des leçons politiques de sa longue expérience, ce qui peut expliquer qu’il ait laissé ses convictions pour du pragmatisme.

Aujourd’hui, on lui reproche également de n’avoir pas un héritier politique. En effet, le PRD manque de leader capable de rassembler la troupe pour redonner du souffle au parti et poursuivre un combat de plus de trois décennies.

Tous ceux qui ont approché Me Adrien Houngbédji en dehors de la sphère politique le décrivent comme un homme simple, qui sait faire rire et dire des blagues. En somme, un homme d’un abord facile. Ce qui contraste avec sa figure publique faite de masque politique.

Pierre MATCHOUDO