Relations Bénin-Togo : Une histoire de “je t’aime, moi non plus”

Pays frères, le Bénin et le Togo, géographiquement parlant et, dans une certaine mesure, partageant presque les mêmes identités culturelles, cela ne transparaît pas dans les relations diplomatiques. Une inimitié renforcée par les derniers événements qui distancent davantage les relations entre les deux pays. Ce qui était difficilement inimaginable, quand on se refait à la transition démocratique intervenue au Bénin en avril 2016.

Le candidat Patrice Talon, sorti grand vainqueur de l’élection présidentielle de 2016, n’a pas attendu la prestation de serment pour rendre visite à son homologue togolais, le 28 mars 2016. Accueilli à la frontière de Hilacondji par le ministre d’État chargé des Affaires présidentielles, Solitoki Esso, le chef d’État béninois fraîchement élu a été introduit au palais présidentiel de Lomé. Plus de deux heures d’échanges avec le président Faure Gnassingbé pour, semble-t-il, renforcer les relations d’amitié et de coopération entre les deux pays. Un premier rapprochement arrivé peut-être trop tôt et qui ne pourrait jamais présager d’une éventuelle dégradation des relations bilatérales entre le Bénin et le Togo voisin. Mais à la surprise générale, c’est bien à cela qu’on assistera.

Pour des raisons politiques, plus précisément électoralistes, les présidents Patrice Talon et Faure Gnassingbé gardent leur distance. L’arrestation et la condamnation à 20 ans de prison pour « financement du terrorisme » de Reckya Madougou, une ancienne conseillère technique du président togolais et candidate recalée du parti de l’opposition Les Démocrates à l’élection présidentielle d’avril 2021, envenime la situation. Sans aucune réaction officielle pour demander ou exiger la libération d’une collaboratrice dévouée, le président togolais est resté sur ses gardes. Depuis lors, les deux chefs d’État se regardent en chiens de faïence. L’avènement de Covid-19 a pris par là avec les fermetures de frontières et son lot de traitements dégradants. Dans la foulée, les réformes entamées au Port de Cotonou font la bonne affaire du Togo qui voit renforcer son trafic maritime grâce à l’accostage de nombreux bateaux sur ses côtes. Aussi faut-il le souligne la crise entre le Bénin et le Niger a aiguisé l’appétit de certains ports, moins directs ou moins sécurisés. C’est ainsi que importations du Niger sont désormais déroutées vers le port de Lomé au Togo. Les marchandises sont transportées tout le long de ce pays, puis au Burkina Faso avant d’arriver au Niger. Bien que le coût de ce nouvel itinéraire soit plus élevé, les autorités de Niamey encouragent leurs compatriotes à boycotter le port de Cotonou au profit de celui-là. En plus, elles ont pris des mesures, ensemble avec leurs homologues togolaises, pour écarter systématiquement les transporteurs béninois de l’enlèvement des marchandises au port de Lomé.

Comme dans un feuilleton sans fin, l’enlèvement d’un activiste béninois en terre togolaise du nom de Steeve Amoussou, alias “Frère Hounvi”, connu pour ses chroniques acerbes contre le pouvoir béninois est sur le point de créer un incident diplomatique qui pourrait détruire davantage les relations diplomatiques, cordiales et fraternelles entre les deux pays frères.

Damien TOLOMISSI