Suite à l’incendie de Sèmè: Le “Kpayo ” en sursis

Avec 35 morts, l’incendie d’un dépôt d’essence de contrebande samedi 23 septembre à Sèmè-Kraké offre à l’Etat béninois l’occasion de mettre enfin de l’ordre dans une filière qui, de la source au consommateur final, expose les acteurs à des décès tragiques.

Le gouvernement et les autorités judiciaires n’ont pas tardé à réagir à ce drame. Alors que la justice a ouvert une enquête, les représentants de l’exécutif qui sont aussitôt intervenues ont annoncé des mesures pour prévenir de tels drames.
Issue à la fois du vol du carburant ou du raffinage du brut directement siphonné des pipelines au Nigéria, l’essence vendue au bord des routes arrive au Bénin par des voies de contrebande. Au Nigéria, particulièrement dans la région du Delta du Niger, le gouvernement peine à venir à bout de ces raffineries clandestines. On estime à de grandes fortunes les recettes que l’Etat perd dans cette affaire. Mais le plus grave est que la plupart de ceux qui s’adonnent à cette activité finissent par mourir, soit d’incendie, soit de maladies provoquées par l’inhalation du pétrole et de la fumée.
La plus grande partie du carburant issu de ces vols finissent dans les réservoirs des consommateurs béninois et togolais, ce qui en fait des complices, voire des receleurs. Par ailleurs, l’Etat en sort perdant, d’abord parce que les trafiquants et les revendeurs ne paient pas d’impôt, mais aussi parce qu’il supporte le coût humain de ce business illicite.
Chaque fois que l’Etat béninois a voulu y mettre un terme, il s’est confronté à la question sociale. Même en l’absence de chiffres fiables, il n’est pas exagéré d’affirmer que ce commerce nourrit des centaines de milliers de ménages. En effet, il n’y a pas cette route ou cette rue au Bénin où il n’y a pas de stations improvisées, en fait des bouteilles de carburant exposées. Mettre un terme au trafic risque dans ces conditions de jeter des familles dans les rues, sans aucune source de revenus.
Mais au même moment, tout Etat responsable se doit d’agir. Dans les années 2013, le gouvernement d’alors avait proposé que le prix à la pompe soit revu à la baisse pour qu’il puisse concurrencer les trafiquants. Les techniciens en la matière avait fait remarquer que ce n’était pas une solution viable car les vendeurs au bord des rues diminueraient aussitôt leurs prix. Il avait aussi proposé de construire des stations-services dans les départements de l’Ouémé et du Plateau où ce trafic a dissuadé l’érection de telles infrastructures.
Malgré tout ceci, rien n’y fit. Suite à l’incendie de ce samedi, le gouvernement a entrepris de rencontrer les acteurs pour des discussions. La principale proposition consiste à réorganiser les vendeurs en leur permettant d’ériger des mini-stations. Si l’Etat arrivait à emporter l’adhésion de tous, le risque d’incendies récurrents diminuerait et, au même moment, le trésor se verra renfloué car désormais tous seront dans l’obligation de rentrer dans le circuit officiel.

Pierre MATCHOUDO