Crise Bénin-Niger : Tiani souffle le froid et le chaud

Nommé bien avant le coup d’Etat de juillet 2023, l’ambassadeur du Bénin au Niger a enfin été reçu par une haute personnalité de la junte. Et, sauf nouveau rebondissement, il devrait bientôt présenter sa lettre de créances au général Tiani, ce qui mettra fin à une longue année d’attente. Cette évolution est interprétée, côté béninois, comme un signal positif, le chef des putschistes ayant entretenu une ambiance délétère qui contraste avec les rapports entre les deux Etats depuis l’avènement des indépendances il y a plus de six décennies.

En réalité, ce début de décrispation des relations est la suite logique de la visite, en août 2024 des officiels nigériens, parmi lesquels le ministre de l’intérieur. Une visite qui, elle-même, qui est intervenue après la mission de bons offices faite au Niger par les anciens présidents du Bénin, Nicéphore Soglo et Yayi Boni.

Les autorités nigériennes reprochent au Bénin d’avoir appliqué les sanctions que la CEDEAO a imposées à leur régime au lendemain du coup d’Etat qui a renversé le président démocratiquement élu. Comme Cotonou, le Nigéria avait lui aussi fermé sa frontière et cessé de fournir l’électricité à ce pays enclavé. Malgré la fin des sanctions, le Niger a fermé ses frontières avec le Bénin en signe de représailles.

Le réchauffement timide des relations est cependant un signe trompeur car le général Tiani continue d’accuser le Bénin de vouloir déstabiliser son régime. Dans un premier temps, il a accusé son voisin du sud d’abriter des bases françaises qui, selon lui, forme des terroristes. Malgré les dénégations des autorités de Cotonou, il a persisté dans ses accusations avant de se raviser et de déclarer que ce ne sont pas des bases françaises, mais plutôt des camps avancés situés tout au long de la frontière avec son pays.

En lutte avec les terroristes s’infiltrant dans le pays par le Niger et le Burkina Faso, le Bénin a entrepris de sécuriser ses frontières nord bien avant le coup d’Etat du général Tiani. Dans son adresse à la nation le jour du 64e anniversaire de l’indépendance de son pays le 3 août dernier, il a toutefois estimé que ces bases avancées ont été installées pour déstabiliser son pays. Selon lui, des agents français en civil sont repositionnés au Nigeria et au Bénin « avec des éléments de forces armées béninoises eux-mêmes en tenues civiles ». 

Ces nouvelles accusations, toutes aussi graves montrent cependant que le Général cherche une voie de sortie de la crise avec son voisin, sans perdre la face en se dédisant. Ce à quoi les autorités béninoises ne sont sans doute pas dupes.

Pierre MATCHOUDO