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TAMAEE: TAMAEE, TAMAEE

 INTERVIEW: Toïhen, TAMAEE

Il n’est pas plus haut qu’une pomme, mais sa chevelure le détache de la foule. Ses dreadlocks lui descendent jusqu’au cou et ondulent dans la lumière, au rythme de la gestuelle de ses mains. A la Marina, c’est la première visite ‘’nocturne’’ de l’exposition Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui : de la Restitution à la Révélation. Debout dans l’espace consacré à ses œuvres, Epaphras Dègnon Toïhen refait le monde avec les visiteurs. On s’arrête devant ses sculptures, ombres abandonnées dans le bois ou visages mutilés par la souffrance et l’oubli. Rencontre avec un artiste de la mémoire, sculpteur descendant de sculpteurs.

Gaskiyani Info : Dans cette exposition, c’est toute une forêt de teck que vous avez sculptée. Avez-vous tenu le compte ?

Epaphras Toïhen : (Il sourit) J’ai seulement trois œuvres dans cette exposition, dont une installation composée de trois sculptures. Et donc si je devais compter à la pièce, je dirais que j’en ai cinq. Mais d’ores et déjà, deux de ces pièces sont rentrées dans le patrimoine artistique de l’Etat. Pour me résumer, mon travail ici est représenté par deux œuvres que l’Etat béninois a déjà achetées, et par une autre qui vient de ma collection privée.

Que représente l’installation Forêt des murmures, exposée ici ?

Je me suis inspiré de la crise de l’Amazonie pour ce travail. A ciki 2017, je suis allé au Brésil pour y vivre. C’est une fois sur place que j’ai remarqué que de loin, on ne comprend pas toujours ce que c’est que la préservation de la nature. La crise qui existe en Amazonie, de loin, on ne la ressent pas. Don haka, cette série (de trois pièces) s’intitule Forêt des Murmures, parce que l’idée de murmure évoque un malaise au cours duquel on n’arrive pas à s’exprimer. Je représente là des indigènes (il pointe du doigt l’œuvre) – dont l’Amazonie est l’habitat – qui expriment leur mal-être.

Parmi ces trois pièces, il y en a une qui a les mains placées sur le ventre, en signe de malaise. Pour dire ça ne va pas. Le noir que vous voyez sur les pièces, c’est un peu comme la nuit que j’y ai déposée. Le teck dans lequel j’ai sculpté cette œuvre est blanc voire un peu jaunâtre. Mais voilà que le bois a noirci, une fois le travail fini. Cet événement triste qu’est la déforestation, j’ai déposé le noir sur l’installation pour le symboliser.

De part et d’autre, il y a des regards, des gueules. Les traits que vous voyez, ce que l’on est, transparaît toujours dans ce que l’on fait. Dans le cas de ces sculptures, c’est la scarification, qui exprime en même temps la souffrance.

Forêt de Murmures

Les sculptures de la Forêt des Murmures font penser aux statues Moai de l’île de Pâques. Avez-vous subi leur influence dans votre travail ?

(Il rit.)

Ka sani, je ne m’en rends même pas compte. Ce que je fais, c’est que je compose mes pièces. Je travaille avec une grande liberté. Je fais ce qui me plaît, en espérant que cela va plaire aux autres, tout comme cela peut les repousser. Une œuvre d’art, ça peut provoquer une réaction d’attraction ou de répulsion. Don haka (il rit à nouveau), je n’avais encore jamais vu mon travail sous cet angle.

L’une des deux autres pièces exposées est intitulée la Souche de l’Oubli. Que raconte-t-elle ?

La Souche de l’Oubli, c’est la plus grande des deux. Tout comme l’autre œuvre à ses côtés, il s’agit d’une sculpture taillée dans une souche d’arbre que je suis allé déterrer. Parce que, que faisons-nous du bois ? On coupe le tronc visible à l’œil nu et on oublie la souche dans la terre. Elle peut y rester et traverser les intempéries, les termites vont la bouffer, on ne s’en préoccupe pas. Don haka, c’est la partie résistante en réalité de l’arbre que je vais déterrer. C’est un peu comme de l’archéologie : quelque chose qu’on a oublié et que je déterre. Je les ressors, je les mets à l’envers et puis j’y mets les visages des oubliés. Des personnes qui ne sont plus, qu’on a oubliées, qui sont dans la terre… Je les ramène à la vie… C’est un travail de conservation de mémoire que je fais.

Souche de l’oubli et Les Vivants

Finalement, est-ce que ce sont les racines que vous remettez à l’endroit dans ces sculptures ?

Na'am, justement. Je mets la pièce à l’envers pour que les racines montent vers le ciel et communiquent avec le cosmos.

La pièce Les vivants paraît un peu moins aérienne mais répond à la même démarche, visiblement…

Toujours ! Cette pièce, je l’appelle Les Vivants parce ce que de face, vous y voyez un visage qui regarde vers le bas. Et en bas justement, j’ai aligné d’autres visages. Le bas, c’est ceux qui ne sont plus là et en haut, c’est nous. Les vivants. On dit souvent que les morts ne sont pas morts, ils sont avec nous. On les invoque toujours. Le culte des morts est vraiment très ancré dans nos traditions. C’est cela que j’essaie d’exprimer, à savoir la communion entre le vivant et le spirituel.

Votre univers est-il toujours autant inspiré par ce qui n’est plus, que vous ramenez pour en faire ce qui est toujours ?

(Il éclate d’un rire franc. Une lueur malicieuse traverse son visage.)

Je vous donne un exemple. Au sujet des pièces que la France a restituées au Bénin, je continue de faire des recherches. Parce que je viens d’une lignée de sculpteurs. Je dois m’intéresser à ce qui n’est plus, car je suis dans la continuité. Mon arrière-grand-père a été sculpteur, mon grand-père et mon père l’ont été et à mon tour je le suis. Don haka, à la base, je m’inspire toujours de ceux qui ne sont plus là, de ce qui n’existe plus, pour pouvoir faire une projection dans le futur. C’est nécessaire. On ne peut pas construire sans avoir des bases. Et la base, c’est le passé, pour construire le présent et le futur.

Vue de l’exposition Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui : de la Restitution à la Révélation

Est-ce important pour vous d’être souvent ici pour dialoguer avec ceux qui viennent regarder votre travail ?

Ce soir, j’ai voulu faire une exception. Sortir de l’atelier pour venir voir un peu comment les gens se comportent devant une œuvre d’art. C’est vraiment nécessaire que je sorte pour voir si mes pièces arrivent à communiquer avec les gens. L’art aujourd’hui s’est approprié un langage universel. J’ai exposé dans des pays ou on ne parle pas le Fongbé (langue la plus parlée dans le Sud du Bénin) ou le français. Mais les gens arrivaient à comprendre. C’est ce que j’ai voulu vérifier ce soir, et je l’ai vraiment constaté. Ce monde fou qui passe devant les pièces, tous veulent faire des photos, immortaliser ces instants. Cela montre que ce qui se passe ici est important et que les gens ont vraiment aimé. Et ces retours, cela ne peut qu’encourager l’artiste à aller beaucoup plus loin dans sa démarche.

Dans vos périples d’artiste, avez-vous déjà ressenti pareil engouement populaire autour d’une exposition ?

Quand on m’a parlé d’une exposition au Bénin, je me suis dit qu’on ferait encore quelque chose à l’image des Africains. Et quand je suis arrivé ici, j’ai été vraiment surpris. Je vais en garder une très bonne impression. J’ai visité des musées et des galeries un peu partout, au Brésil, en Chine… Et ce que j’ai vu ici m’amène à dire que l’exposition respecte vraiment les standards qu’il faut. Quand le président du musée du quai Branly est arrivé ici pour le vernissage, il est resté hébété, stupéfait. Cette exposition est vraiment un succès.

Propos recueillis par Nicanor Covi

(École du patrimoine africain / Formation des journalistes culturels sur la restitution des biens culturels au Bénin par la France)

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