Quelque chose se passe. Quelque chose d’insidieux, et de dangereux…ou de bénéfique. Les évènements de la semaine écoulée, dans la juste continuité de tout ce qui se passe depuis maintenant plusieurs années, révoltent l’intérieur de tout Africain, de l’érudit au sachant de la rue, du citadin au rural, pour peu que l’on soit au fait de ce qui a cours sous nos cieux. L’attente de l’Etat providence est mise sous le boisseau, et l’on revient aux fondamentaux. Compter sur soi, de façon excellente, pour rendre les actes communs plus forts. La jeunesse africaine trace des lignes divergentes, dont le parallélisme ambigu s’interrompt au fil du temps pour trouver des points de convergence, un en particulier : le bonheur, un avenir plus radieux. La jeunesse africaine est celle qui se sait de plus en plus une force. Mais elle aussi celle qui déchante face à son élite. C’est la jeunesse consciente qui vogue aux côtés de la jeunesse insouciante. C’est la jeunesse révoltée face aux attentats qui minent ses villes et villages, à côté de celle qui rêve de Dubaï, de champagne et de caviar. C’est la jeunesse qui découvre Dubaï, et pas que, par ses efforts, à côté de celle qui s’y laisse conduire par le choix du moindre effort. C’est la jeunesse des coaches en entrepreneuriat qui prêchent par l’exemple, à côté des « influenceurs » vendeurs d’intimité et de contours retors. C’est la jeunesse panafricaine qui suit Kemi Seba ou se rappelle Cheick Anta et Sankara, à côté de celle qui se vend au plus offrant et perpétue l’insoutenable. C’est la jeunesse lasse d’essayer qui franchit le désert, à côté de celle qui rejoint la politique politicienne pour survivre. C’est la jeunesse qui innove dans la tech et est nostalgique de la dictée, à côté de celle qui veut des congés anticipés et appelle ses cadets nantis « grand frère ». C’est la jeunesse qui flaire les opportunités et les saisit, à côté de celle qui ne les reconnaît pas et devient aigrie. C’est la jeunesse de la diaspora qui investit à côté de la diaspora qui vit dans le déni. C’est la jeunesse des plateaux télé à côté des drogués et des sans-papiers. C’est la jeunesse qui remet en cause le programme scolaire à côté de celle qui précipite les congés scolaires. C’est la jeunesse des cafés littéraires à côté de celle de l’herbe illégale et du grand air. C’est la jeunesse de la foi vécue plutôt que dite à côté de la jeunesse hypocrite aux actes illicites. C’est la jeunesse tournée vers l’avenir glorieux, à côté de celle qui ressasse le passé trop vieux. C’est la jeunesse qui n’attend plus qu’on l’aide, à côté de celle qui « atalakute » à tue-tête. C’est la jeunesse qui vote malgré les appréhensions, à côté de celle qui porte les urnes vers d’autres destinations. C’est la jeunesse qui lira entre ces lignes à côté de celle qui les survolera. C’est la jeunesse qui aime son manioc à côté de celle qui crache sur le garba. C’est la jeunesse dont la vie suscite des diplômes à côté de celle qui les falsifie. C’est la jeunesse qui reste froide face à l’adversité et réfléchit, à côté de celle qui s’émeut trop tôt puis fuit. C’est la jeunesse qui veut empêcher qu’on la divise, à côté de celle qui donne l’épée pour. C’est la jeunesse qui sait que nous sommes tous frères, à côté de celle qui prône des contre-valeurs.
En fait, ces jeunes, tous, je dis bien tous, veulent la même chose : le meilleur. Le chemin n’est juste pas le même. Il faudra pour l’une des catégories, avancer deux fois plus vite, afin de se sauver et sauver l’autre groupe. Pour réparer, restaurer et avancer, le mot clé, éducation, ne doit pas se conjuguer uniquement au temps de l’instruction. Il est un conglomérat bien arrangé de mindset, d’humilité, de stratégie, de soif de perfection, de savoir, de savoir-faire, de savoir-être, de foi et de travail acharné.
A défaut du top-down, trop longtemps attendu, les jeunes, désabusés, s’en prennent à eux-mêmes : ils bossent. Changer les choses par le bas semble la ligne de conduite. A défaut de les soutenir, ne pas les en empêcher sera déjà bien.
Victor-Emmanuel EKWA-BEBE III