Lacs, marais, marécages, prairies humides, mangroves ou basses vallées ; les zones humides sont à l’honneur le 02 février chaque année à l’occasion d’une journée mondiale qui leur est consacrée. L’objectif est de commémorer l’adoption de la convention de Ramsar sur les milieux humides, en 1971. Le thème retenu pour l’édition 2023 est « Il est urgent de restaurer les zones humides ! ».
Le Bénin a actuellement 4 sites inscrits sur la liste des zones humides d’importance internationale. Il y a le site Ramsar du Complexe W, la zone humide de la rivière Pendjari, la basse vallée du Couffo, la lagune côtière, le chenal Aho, le lac Ahémé et la chaine qui regroupe la basse vallée de l’Ouémé, lagune de Porto-Novo et le lac Nokoué. Leur superficie totale est de 2587342 hectares. En dehors de ces sites classés Ramsar, il y a d’autres cours d’eaux naturels non officiels qui font office de zones humides dans plusieurs régions du Bénin. Cotonou en compte sept aux dires de l’agronome Alfred Houngnon. Il est le président de l’Association de gestion intégrée des ressources (AGIR) et membre du GDR Parcs puis chercheur indépendant en sciences au service des citoyens depuis le 17 février 2014 à Montpellier, France. Le 02 février 2023, il a organisé une journée de sensibilisation sur l’importance des zones humides. Pour lui, ces parties des territoires sont riches de par les espèces qu’elles hébergent, leurs fonctions écologiques notamment leur place prépondérante dans le cycle de l’eau ainsi que celle occupée dans les activités économiques et de loisirs. Les milieux humides sont au cœur de nombreux enjeux écologiques, économiques et sociaux. « Chez nous, les zones humides sont devenues des dépotoirs où l’on dépose des ordures on l’on ferme. La preuve, nos zones humides sont des catastrophes » déplore Joséa Dossou Bodjrènou, Directeur exécutif de Nature Tropicale ONG.
En effet, à l’en croire, plusieurs bas-fonds sont devenus des zones viabilisées aujourd’hui à Cotonou. Autrefois, le Centre de santé situé en face de la Place Lénine à Akpakpa fut connu sous le nom de ‘’Maternité Gbota’’ c’est-à-dire ‘la maternité érigée sur les ordures’’. De Sainte Rita à Agla en passant par Vodjè où l’actuel site qui abrite le marché de friperie de Pk3, situé dans le 1er arrondissement de Cotonou, plusieurs quartiers de Cotonou ont poussé sur les bas-fonds marécageux étouffés par les déchets solides et ménagers. Les conséquences sont là aujourd’hui. La moindre pluie diluvienne qui s’abat ramène à la surface les tonnes de sachets plastiques enfouis sous terre. « En souterrain, lorsque vous prenez l’eau à Cotonou elle est de très mauvaise qualité et cela est dû au fait qu’on a enterré dans le sol des ordures pendant des générations. L’eau que nous consommons à Cotonou est tirée de Calavi parce que celle de Cotonou est polluée depuis des années et nous subissons les conséquences aujourd’hui » commente amèrement le Directeur exécutif de Nature Tropicale ONG. « À l’échelle mondiale, ces milieux ont perdu 64% de leur surface depuis 1900 » lit-on dans un article publié le 03 décembre 2020 sur le site du Ministère français de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Zones humides Face à l’urbanisation grandissante
La nouvelle tendance est l’aménagement des berges lagunaires de Cotonou et la construction de parcs d’attraction. Lac artificiel dans la zone du PLM Alédjo dans le 4e arrondissement de Cotonou. De l’autre côté de la ville capitale, c’est le cloisonnement du marécage de Fifadji qui est mis en cause par des spécialistes de la question. « Comment se fait-il qu’un cours d’eau qui quitte Togbin pour verser ses eaux jusqu’au lac Nokoué, l’on en vient à déposer un déversoir juste à l’estuaire de Vossa là où le cours d’eau est censé se verser dans le lac Nokoué pour continuer son chemin ? » s’interroge Alfred Houngnon lors d’une conférence scientifique animée en 2022. Plusieurs cas d’inondation observés à Cotonou sont dus à des mauvais choix opérés par le passé. En créant en 1885 le lac Nokoué, dira-t-il « l’intention du colon était d’ouvrir les cours d’eau continentales sur l’océan atlantique afin d’éviter les inondations ». Il martèle ne pas comprendre la logique des programmes d’aménagement avec la création de parcs aquatiques et lacs artificiels à vau-l’eau à Cotonou. « Ils sont en train de restreindre les cours d’eaux en créant des lacs, des parcelles sur les cours d’eau qui au contraire ont besoin de drainer les eaux suivant un azimut clair » s’offusque-t-il. La marche de sensibilisation initiée à l’occasion de la célébration de la Journée des zones humides vise à « alerter la communauté, les dirigeants, les décideurs et aussi les citoyens sur les rôles des cours d’eau dans la ville. On a comme l’impression que Cotonou n’a pas de cours d’eau » regrette-il. Et pourtant Cotonou en dispose. « Ça quitte Togbin Avlékété pour échouer dans le lac Nokoué » a décrit l’agronome avant d’ajouter « Il faut que nous commencions par prendre conscience de la restauration de ces cours d’eau-là et sans casse. » Citant en exemple une voie à Vodjè, Alfred Houngnon estime qu’elle est déjà cadastrée et propose qu’elle soit transformée en circuit fluvial. « Comme à Venise et Amsterdam on n’a pas à casser les gens. On a vu des villes en hauteur qui marchent ». Puisqu’on est actuellement avec un régime qui mise sur le grand Nokoué. Dans cette vision de grand Nokoué il ne faudrait pas que les certaines personnes qui entourent le chef de l’état méprennent cette vision et l’implémentent pas. Selon lui, quand le chef de l’état parle du Grand Nokoué « il parle de la restauration de ces cours d’eaux »
Zones humides ; régulateur naturel ?
Elles sont à juste titre appelées ‘’les reins de la terre’’ à cause de leur fonction épuratrice de la nature. « Ce sont les zones humides qui absorbent le plus de carbone. Si on ne les préserve pas et qu’on les dame, on est en train de se tuer à petit coup. Ce sera une catastrophe écologique aussi bien pour la biodiversité végétale et la biodiversité patrimoniale parce que ce sont les cours d’eau qui hébergent la faune et la flore » indique le président de l’Association de gestion intégrée des ressources (AGIR). Il indique par ailleurs que « les crêtes sont faites de sorte que chacune d’elle reçoit une précipitation et la déverse dans un exutoire pour rejoindre un cours d’eau principal ». Interrogée par Christelle Togonou sur Radio CAPP FM, le point focal zones humides à l’Agence béninoise pour l’environnement renchérit « Les zones humides fournissent pas mal de ressources écologiques. Ces écosystèmes-là jouent un grand rôle dans la protection du Littoral » dira Marius Dègla. « Le problème d’occupation ou de mauvaise gestion desdites zones persiste à cause de la méconnaissance et la non-application des textes réglementaires qui existent au Bénin » confie pour sa part Flavien Edéa Dovonou enseignant chercheur à l’université d’Abomey Calavi.
Seule la solidarité citoyenne agissante et une prise de conscience collective sont les solutions efficaces pour parvenir à l’entretien et à la restauration des zones humides. Au-delà, une bonne gestion des zones humides va créer des emplois et susciter une autre forme d’écotourisme.
Arnaud ACAKPO (Coll)