La communauté internationale a célébré le 25 novembre dernier la journée internationale des violences faites aux femmes. Au Bénin, plusieurs organisations non gouvernementales à travers des hashtags sur les réseaux sociaux et des messages de sensibilisation ont dit non à cette pratique. Que savent les Béninois sur ce phénomène ?
« Parce que les filles et les femmes ont un grand rôle à jouer dans le développement de tout pays, elles ne doivent pas être sujets de violences de quelque nature que ce soit tant en ligne qu’hors ligne ». C’est le message posté par Plan International Bénin sur sa page Facebook qui a initié depuis le 25 novembre, une campagne de sensibilisation sur les violences faites aux femmes dénommée ‘’16 jours d’activisme pour l’élimination des violences faites aux femmes’’. Comme cette organisation internationale, bien d’autres organisations ont décidé de dire Non à cette pratique qui prend de l’ampleur notamment au Bénin.
« Qui parle de violences faites aux femmes ne parle pas uniquement des violences physiques subies par ces dernières mais aussi les violences raciales, le harcèlement sexuell, le chantage et bien d’autres », affirme Géneviève Boko, consultante dans une organisation de défense des droits des femmes. Pour Cherstine Kodo, capitaine de l’équipe nationale du Bénin de Karaté-Do, « Doter une femme, c’est l’amener devant le maire et la faire connaitre devant Dieu et les Hommes ne fait pas d’elle un objet sexuel. Les violences sexuelles détruisent la femme ». Dans l’un de ses postes de sensibilisation, elle n’a pas manqué d’appeler les hommes au contrôle émotionnel, « Que tu rates une opportunité, une bonne affaire ou que tu sois de mauvaise humeur, ne lève jamais la main sur ta conjointe, peu importe ce qui s’est passé », a dit la jeune activiste avant d’ajouter : « Mettre la main sur elle, c’est comme si tu le faisais à ta mère. Toutes les fois où tu te sentirais incontrôlable, va te défouler en faisant le sport ». Dorine A. étudiante en marketing commercial se souvient de l’un des pires moments de sa jeune vie et confie « Il y a trois ans, alors que j’étais en classe de terminale, à quelques mois de mon examen, j’ai reçu un message d’un inconnu qui voulait me montrer une vidéo dans laquelle j’étais nue sous la douche. Je n’eus pas cru à ses propos quand soudain il me fit la capture d’écran de la vidéo et me l’envoya via whatsApp. Je n’en revenais pas mais c’était bien moi. Il voulait de l’argent au risque de mettre en ligne cette vidéo qui allait certainement détruire ma vie. J’étais donc victime de chantage. Il fallait régler cette situation et continuer avec les révisions pour l’examen. Je ne pouvais pas en parler aux parents je devais résoudre le problème toute seule. Une situation qui a beaucoup impacté sur mon moral. J’étais proche du suicide. Finalement j’en ai parlé à une personne inconnue qui a pu joindre l’individu pour un règlement de la situation. Je compris à la fin que s’était un copain à une amie. Cette amie m’avait filmé à mon insu. Pour ne pas inquiéter les parents, nous avons décidé de régler la situation entre amis bien que la personne qui m’a aidé ait voulu que je porte plainte. Je devais me protéger et aussi je ne voulais pas que pour moi ces gens, qui un moment donné, ont été des proches finissent derrière les barreaux ».
Comme Dorine, les jeunes filles sont le plus souvent victimes de ce type de violence. Floriane H. est une coiffeuse, elle est âgée de 24 ans et mère d’un garçon âgé de 3 ans. Elle a dû quitter son conjoint pour excès de violences sur sa personne. « Il y a un an, j’ai décidé de quitter mon conjoint qui abusait de moi de diverses manières. Physiquement et verbalement, je subissais la violence de sa part et malgré mes plaintes auprès de ses parents, rien ne changeait. Il n’avait plus aucun respect pour moi. Quand il rentrait d’où je ne sais, il trouvait toujours un moyen pour me crier dessus. J’ai gardé mon sang froid jusqu’au jour où il a décidé de venir à la maison avec une autre fille et a eu une intimité avec elle dans notre chambre. C’était le comble et j’ai pris la décision de partir le lendemain », raconte cette jeune dame très triste.
Outre les violences que subissent les femmes et dont les hommes sont les présumés responsables, il y a celles-là dont les femmes sont aussi responsables. Annick V. épouse Dossa est revendeuse de produits alimentaires, mariée depuis cinq ans. Elle subit la violence verbale de la part de ses belles-sœurs. « Depuis quelques temps, mes belles sœurs ne cessent de me dire des choses qui me démoralisent alors que je suis mariée aujourd’hui à leur frère. Elles n’ont aucune considération pour moi. Malgré les tentatives de mon époux, elles n’ont pas obtempéré. Nous avons dû déménager pour nous éloigner. Quand on parle de violence faites aux femmes, nous pensons beaucoup à ce qui est fait par les hommes, mais les femmes aussi violentent les femmes ».
La violence faite aux femmes ne survient pas dans la plupart des cas par hasard. Elle a plusieurs causes mais les plus remarquables restent « la mal compréhension, la non maitrise de soi, l’abus de langage de certaines femmes, la consommation abusive d’alcool et bien d’autres », explique Euloge, un chef de ménage d’environ 50 ans. Selon lui, souvent les femmes sont elles-mêmes à l’origine des violences exercées sur elles surtout celles physiques. « Une femme qui ne sait pas parler à son mari pousse ce dernier à avoir un comportement violent sur sa personne. Tous les hommes n’ont pas le même état d’esprit. Certains sont patients, d’autres très réactifs et agissent souvent sous l’effet de la colère ». Pour la jeune activiste Chertine Kodo, « Il est vrai que la femme doit pouvoir contrôler son langage mais même en cas d’écart de langage, l’homme ne doit pas lever la main sur elle. Même si elle te violente verbalement, tu n’as pas besoin de taper sur elle, tu peux la punir plus simplement sans la violenter. Toi homme, apprends à te contrôler et maitrise ta colère ».
Comme toutes les actions de l’homme, les violences faites aux femmes ont de nombreuses conséquences sur la vie de ces femmes comme l’explique Bellecasse Aza, bloggeuse : « Les violences ont pour réelles conséquences la perte de l’estime de soi, le manque de confiance dû à la peur. Ce sont là les conséquences que je qualifie de mineures. Nous avons d’autres plus graves comme le suicide de la personne violentée, le déséquilibre psychologique, la perte du désir sexuel, la prolifération des familles monoparentales chez ceux qui sont déjà en liaison et bien d’autres conséquences ».
Face à ce phénomène qui gagne de jour en jour une place considérable dans la société, il faut, comme le signale la bloggeuse, « Une meilleure communication est importante dans un couple. Pour ces femmes qui sont soit des employées soit des collègues de ces personnes qui agissent de façon violente sur leur moral, il faut se plaindre auprès des structures spécialisées dans le domaine du droit de la personne. La violence n’est pas seulement physique. La sensibilisation aussi est d’une grande importance. Que chacun connaisse ses devoirs et aussi ses droits ».
Firmin KASSAGA