Stabilité politique au Bénin : Un contraste dans la région

Alors que l’Afrique de l’Ouest traverse une période de turbulences politiques avec des coups d’État au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger, le Bénin se distingue comme un modèle de stabilité et de démocratie. Malgré un environnement régional marqué par l’instabilité, ce petit pays d’Afrique de l’Ouest a su préserver ses institutions, organiser des élections et assurer des alternances pacifiques.
Malgré les défis rencontrés ces dernières années, le Bénin continue d’incarner une certaine idée de la démocratie en Afrique de l’Ouest. Si des critiques ont été formulées sur des insuffisances dans la gouvernance et les libertés politiques, le pays se distingue encore positivement dans une région en proie à de profondes dérives autoritaires. Les inquiétudes soulevées par une possible révision opportuniste de la Constitution ont été récemment dissipées. Le président Patrice Talon a pris soin de rassurer l’opinion publique et la communauté internationale : aucune modification de la loi fondamentale n’est envisagée pour lui permettre de rester au pouvoir. Plus encore, il a affirmé qu’aucun membre proche de sa famille ne lui succédera, un engagement rare dans une région souvent marquée par des dynasties politiques et des successions arrangées. Certes, la démocratie béninoise n’est pas parfaite. Les tensions autour des élections passées, les restrictions sur certaines libertés et la faible participation de l’opposition dans la vie politique sont des sujets de débat. Toutefois, à l’échelle de la sous-région, le Bénin demeure une exception
Une tradition démocratique ancrée
En effet, le Bénin est souvent considéré comme le berceau de la démocratie en Afrique francophone. Dès 1990, après une période de régime marxiste-léniniste, le pays a organisé une Conférence nationale souveraine, un dialogue inclusif qui a permis une transition pacifique vers le multipartisme. Cette conférence a servi d’exemple pour d’autres pays africains en quête de démocratisation. Depuis, le Bénin a connu plusieurs alternances politiques, avec des présidents comme Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou, Thomas Boni Yayi et Patrice Talon. Contrairement à certains voisins où les dirigeants modifient les constitutions pour se maintenir au pouvoir, les présidents béninois ont, dans l’ensemble, respecté les limites de leurs mandats.
Des élections contestées mais globalement apaisées
La démocratie béninoise n’est pas parfaite. L’élection présidentielle de 2021 a été marquée par des tensions, avec l’exclusion de plusieurs candidats et des accusations d’inéquité. Cependant, le processus électoral reste bien plus crédible que dans de nombreux pays de la région. La Cour constitutionnelle joue un rôle clé dans la validation des résultats, et les transitions se font sans violence majeure. Contrairement aux putschs qui se multiplient dans le Sahel, l’armée béninoise reste fidèle au pouvoir civil. Cette neutralité des forces armées est un pilier essentiel de la stabilité du pays.
Un contraste frappant avec la région
Dans les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) que sont le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, les libertés politiques sont quasiment réduites à néant. À Bamako, le président de la transition a récemment prolongé son mandat de cinq ans sans la moindre élection. À Niamey, un cercle restreint de fidèles a décidé, également sans consultation populaire, de maintenir la transition pour une durée identique. Plus à l’ouest, en Côte d’Ivoire, le président Alassane Ouattara semble se préparer à briguer un quatrième mandat, malgré les critiques internes et externes. Et au Togo, un véritable tour de passe-passe institutionnel a permis à Faure Gnassingbé de conserver le pouvoir tout en modifiant la nature de sa fonction : désormais président du Conseil des ministres, il cumule les pouvoirs sans en porter le titre, une manœuvre qui pourrait lui permettre de se maintenir indéfiniment.
Face à ces dérives, le Bénin garde sa place, fragile mais réelle, comme modèle démocratique. Reste à espérer que les engagements pris seront tenus, pour que le pays continue d’offrir une lueur d’espoir dans un environnement régional de plus en plus assombri.
Pierre MATCHOUDO