Limogeages, démissions, conflits d’attributions… Voici le lot des mairies depuis la nomination dans les 77 communes des premiers secrétaires exécutifs en avril 2022. La réforme n’est finalement pas « la clé du développement » telle qu’elle a été présentée avant sa mise en œuvre.
21 septembre 2023 : le Secrétaire Exécutif (SE) de la mairie de la commune lacustre des Aguégués suspendu de ses fonctions 29 septembre 2023 : le SE de la mairie d’Abomey dépose le tablier. Dans sa lettre de démission, il invoque des raisons de convenance personnelle. Des investigations ont révélé que l’ambiance de travail y était devenue délétère au fil des mois et qu’il y avait des conflits d’attribution autour des actes administratifs.
12 avril 2023 : le Conseil des ministres annonce le limogeage de trois SE, en l’occurrence ceux de Cotonou, de Sèmè-Kpodji et de Houéyogbé. Pour justifier cette révocation, le gouvernement affirme que les mis en cause sont coupables d’actes « constitutifs de violation des règles de déontologie administrative, de l’orthodoxie financière, d’abus de pouvoir et/ou d’atteinte grave aux intérêts de la commune ».
Entre ces deux départs plus ou moins forcés, plein d’autres ont perdu leur travail au point où aujourd’hui dans l’opinion la fonction de Secrétaire Exécutif a perdu sa signification première, celle d’être un vecteur de bonne gestion et de développement des collectivités locales.
Ce poste a été institué par la loi N° 2021-14 du 20 décembre 2021, portant code de l’administration territoriale en République du Bénin. Selon les nouvelles dispositions, le Secrétaire Exécutif est le premier responsable de l’administration de la commune. Entre autres prérogatives, il « représente la commune dans la vie civile et pour tout ce qui relève de ses attributions propres », il « veille à la bonne planification et à l’exécution des marchés publics communaux » et il « nomme aux emplois communaux pour lesquels la loi ou la règlementation ne fixe pas de dispositions particulières de nomination ».
En somme, à travers cette réforme, le Maire se trouve dépouillé de l’essentiel des prérogatives qui faisait de lui une autorité respectée, surtout qu’il est stipulé que la fonction de secrétaire exécutif est la plus haute fonction administrative et technique des mairies. Le maire désormais n’est qu’un simple individu invité à s’occuper des activités politiques.
Depuis sa mise en œuvre, cette réforme a plus généré des conflits de toutes sortes dans les mairies que le développement escompté. Entre le SE qui se voit désormais au-dessus de tout le monde et le maire qui, lui, a été élu, ce sont des conflits ouverts qui prévalent, à quelques exceptions près. Frustrés, certains maires ont fini par se murer dans un silence pesant, humiliés qu’ils sont. Et comme si cela ne suffisait pas l’Etat a, dans un premier temps, doté les SE de véhicules rutilants que la plupart des mairies ne pouvaient offrir aux maires. Face aux critiques, le gouvernement a tenté de corriger le tir en achetant aux maires des véhicules de fonction acceptables.
Si ce n’est pas le maire et son SE qui sont en conflit, ce sont les agents des administrations locales qui sont à couteaux tirés avec leur désormais « patron ». Ce fut le cas à Abomey Calavi mais aussi à Ségbana où les agents ont protesté en observant un arrêt de travail.
Sans doute l’idée de procéder à des réformes de l’administration locale n’est pas mauvaise. Elle vise une meilleure gestion des ressources des collectivités et celles allouées par l’Etat central dans un contexte où nombre de maires élus manquent de compétences dans le domaine de la gestion administrative et financière. Mais, la mise en œuvre montre que cette réforme gagnerait à être elle-même réformée.
Pierre MATCHOUDO