Le blocus économique imposé par la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) mis en place après le coup d’Etat du mercredi 26 juillet 2023 au Niger commence à faire des victimes dans les rangs de la population mais aussi au-delà.
De toutes les frontières du Niger, il n’y a que deux qui sont fermées depuis le lendemain du coup d’Etat du 26 juillet 2023 lorsque les présidents des Etats membres de la CEDEAO ont décidé d’imposer des sanctions économiques contre la junte afin de favoriser un retour à l’ordre constitutionnel. Le Burkina Faso et le Mali, membres de l’organisation sous-régionale, ont refusé de faire suite à cette décision, eux-mêmes étant dirigés par des militaires putschistes. Les autres pays frontaliers que sont l’Algérie, la Lybie et le Tchad, ne se sentent pas concernés, n’étant pas de l’Afrique de l’Ouest. Seuls donc le Bénin et le Nigéria ont fermé leurs frontières avec leur voisin du nord.
Pays enclavé, le Niger a pour débouchés naturels sur la mer le port de Cotonou au Bénin et accessoirement ceux du Nigéria. La fermeture des frontières a aussitôt commencé à avoir des répercussions dramatiques sur le quotidien des Nigériens qui importent la majeure partie des produits alimentaires et autres à partir de ces pays. Aujourd’hui à Niamey, le riz qui est le produit le plus consommé est hors de portée des plus pauvres. En moins de deux semaines, son prix est passé du simple au double. Et bientôt le pays risque de souffrir de la pénurie, plus aucun camion n’entrant par ces frontières cruciales.
Un des pays les plus pauvres de l’Afrique, le Niger est situé en grande partie dans le désert. Il souffre régulièrement de disette due en partie aux conditions climatiques et à l’absence de politique d’autosuffisance alimentaire efficace. Son sous-sol est cependant riche en divers minerais comme l’or, le pétrole et l’uranium. Malgré cela, il ne s’est jamais doté d’une centrale énergétique susceptible de lui assurer l’indépendance en matière d’électricité.
Aussi, environ 70% de ses besoins en électricité lui sont fournis par le Nigéria. Et ce dernier, fer de lance des sanctions de la CEDEAO, a tout simplement coupé le courant, mettant les ménages, les entreprises et l’administration sous régime de rationnement.
« C’est grave à Niamey, nous en souffrons déjà énormément », se lamente un citoyen sur place joint au téléphone. Du côté béninois et nigérian, si la population ne risque de subir les affres du blocus, les transporteurs qui convoient les marchandises des ports vers ce pays enclavé sont au chômage, ce qui n’est pas sans avoir d’effets sur leurs familles. Il en est de même de ceux qui vivent de commerce transfrontalier.
L’objectif de la CEDEAO en décidant de placer le Niger sous blocus est de rendre le pays ingouvernable, ce qui finirait par contraindre les putschistes à rendre le pouvoir au président démocratiquement élu. Mais en apparence, les putschistes ont la cote puisqu’ils réussissent à galvaniser leurs supporters. Mais pour combien de temps ? « Ventre affamé n’a point d’oreilles », dit un proverbe. A terme, les discours enflammés des putschistes contre la CEDEAO et la France, bouc-émissaire de leurs maux, finiront par résonner comme dans des oreilles de hordes d’affamés qui ne veulent rien d’autre que la nourriture.
Pierre MATCHOUDO