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Romuald Hazoumè : «Au judo, j’ai été profondément blessé et déçu »   

Le cyclisme béninois a retrouvé des couleurs. Depuis 2017, il est dirigé par un digne fils du pays qui sait mettre chaque chose à sa place. Sa capacité managériale a séduit l’Union Internationale Cycliste (UCI) qui lui a décerné une distinction spéciale lors de son conclave du 27 septembre 2024 tenu à Zurich en Suisse. Romuald Hazoumè, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a bien voulu nous entretenir sur les tenants et aboutissants de cette consécration. Avec cet artiste contemporain hors-pair, nous avons revisité les nombreux couloirs multicolores de son savoir-faire et de son savoir-être.

Depuis le 27 septembre dernier, vous avez été distingué par l’Union cycliste Internationale (UCI) pour vos œuvres au profit du cyclisme béninois. Que représente pour vous une telle reconnaissance ?

Ce prix est la reconnaissance d’un travail collectif. A moi tout seul, je ne peux rien faire, rien réussir. Certes, le leader impulse la vision, met ses compétences en jeu pour s’entourer des meilleurs, se fait violence pour atteindre son but. Mais, ce n’est pas lui seul qui fait le travail, il y a une équipe autour de lui, prête à le suivre. Dès lors, le résultat récompense tous ceux qui y ont contribué. Il est vrai que ça ne s’est pas fait facilement, il y a eu beaucoup de résistance. Les gens ont pensé que j’étais venu prendre leur place et leur arracher ce qui leur permettait de « manger ». Calomnie, méchanceté, règlements de compte, j’en ai été grandement victime. Mais, on a mis de l’ordre. A mon arrivée à la tête de la fédération, je suis allé les chercher pour qu’on avance ensemble. On a fait ce qui est utile. Et aujourd’hui, les résultats sont de plus en plus probants. Le Tour du Bénin est inscrit au calendrier de l’UCI. Donc, ce prix revient à tout ce monde-là.

Après avoir dit tout ça, comment se porte aujourd’hui le cyclisme béninois ?

Il se porte très bien. Mais, il faut expliquer pour que tout le monde comprenne. Ce n’est pas parce tout roule qu’il faut dire que ça marche. Il faut vraiment faire une nuance. Celui qui ne connaît pas le cyclisme dira que nous ne gagnons pas. Il dira que les Béninois sont incapables de gagner leur propre Tour organisé chez eux. C’est faux de raisonner comme cela. Notre cyclisme avance comme il se doit. Avec le temps, j’ai compris qu’il ne faut pas trop gâter nos coureurs. Quand tu leur mets tout à disposition, ils végètent dans leur zone de confort et ne progressent pas. C’est juste le service minimum avec des attitudes de stars qu’ils ne sont pas. Il n’y a plus ni combativité, ni patriotisme, ni courage. Pire, une concurrence interne malsaine et nocive s’installe en leur sein. Tout le monde veut être la vedette. Ils ne travaillent pas en équipe. Alors que contrairement aux idées reçues, le cyclisme est un sport où la victoire se construit en équipe, le leader est aidé par ses équipiers pour l’emporter. Et ça, c’est malheureusement le mal congénital du Béninois. Pour mettre fin à ce problème, nous avons décidé de faire confiance aux juniors, tant chez les garçons que chez les filles. Aujourd’hui, les résultats sont là. Nos quotas aux championnats du monde concernent les filles juniors et Elites. Et pas les hommes élites.

Justement en parlant des filles, que peut-on véritablement retenir ?

On a un bon groupe, elles sont allées en France et en Suisse où elles ont participé aux championnats du monde. Elles vont apprendre en participant à de grandes compétitions. En 2021, c’est une jeune femme qui a gagné la 1ère médaille dans l’histoire du cyclisme, aux championnats d’Afrique sur piste à Abuja au Nigéria. Au départ, il y avait une fille nommée Chantal Vidognonlonhoué. Mais, elle a disparu du circuit. De toutes les façons, nous ne recrutons plus au hasard. Avec des machines importées et performantes, le potentiel de l’athlète est évalué pour la détection. Le cœur, la cadence, la puissance et la récupération sont scrupuleusement observés. Ainsi, les meilleures sont recrutées grâce à cette technologie. Nous ne perdons plus du temps sur des enfants qui n’ont aucun talent, ni dans le cyclisme, ni dans le sport. Je suis convaincu que nos jeunes ont un bel avenir devant eux. D’ici peu, ils feront parler d’eux. Les plus anciens n’ont pas eu cette chance. Hélas !

Pourquoi avoir abandonné le judo pour le cyclisme ?

Au judo, j’ai été profondément blessé et déçu. Je sais que je suis un empêcheur de tourner en rond. Quand je suis dans un milieu, je veux que les choses avancent. Au judo, j’ai été trop brimé par des maîtres qui se prennent pour Dieu. Dans ce milieu, la corruption était bien ancrée. Et lors d’une préparation des Jeux Olympiques dans le nord de la France, une grosse goutte a fait déborder le vase. Il y avait de la brimade et de l’escroquerie. Pour avoir réagi contre cette injustice, j’ai été la bête qu’il faut abattre. Et si vous voyez ce qui se passe aujourd’hui dans cette discipline, c’est ahurissant. Les gens passent des grades sans compétition ! Et ça n’avance pas. Voilà quelques-unes des raisons qui m’ont poussé à m’éloigner du judo béninois.

A vous entendre, il y a des possibilités pour redorer le blason du judo au Bénin. Pourquoi refusez-vous d’y apporter votre contribution ?

Tout ce que je fais, je le fais avec passion. Mon engagement pour le vélo est à 100% et ce n’est pas possible d’apporter ma contribution ailleurs.

Propos Recueillis par Pascal HOUNKPATIN

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