Racisme : Les leçons de l’Europe

 Racisme : Les leçons de l’Europe

Montreal, Canada – July 13, 2016: On the hottest day of the summer (37 C), hundreds of protesters gathered at Nelson Mandela Park for a Black Lives Matter rally, in solidarity to similar protests in the United States, and to condemn the racial profiling and police brutality in Montreal. After the rally, the protesters took the streets and marched down for three hours and about 10 km. The march finished around 10pm without incident.

Les propos racistes prononcés le 3 novembre 2022 au Parlement français par le député de l’extrême-droite Grégoire de Fournas ont soulevé de vives réactions au sein de la classe politique et dans l’opinion publique. Au Bénin, comme dans la plupart des pays africains, ils seraient passés inaperçus s’ils s’adressaient à des personnes de différente couleur que la majorité de la population.

En mai 2016, soit quelques semaines après son arrivée au pouvoir, le président Patrice Talon a nommé au poste de directeur de la régie centrale des finances Gilles Guerard. Cadre de l’une des plus grandes banques sous-régionales, Guérard avait le profil requis pour son nouveau poste. Il avait aussi la nationalité béninoise. Mais il avait, aux yeux des critiques, le tort d’être d’origine française. Et ces derniers n’avaient pas hésité à hausser le ton pour exiger des explications car, selon eux, c’est un « Blanc » que le chef de l’Etat a débarqué au sein du Ministère des Finances.

Dans l’histoire récente du Bénin, ce n’est pas la première fois que des propos xénophobes sont ouvertement tenus, même par des personnalités de haut rang, sans que cela soit suivi de sanctions. Lors de l’élection présidentielle de 2016, la xénophobie avait même été érigée en thème de campagne, l’un des principaux candidats, Lionel Zinsou, étant accusé de n’être pas Noir, bien qu’en réalité il fût de père Béninois et bien noir. Et aujourd’hui certains parmi ceux qui tenaient des propos racistes à l’encontre de ce candidat soutenus par le président sortant n’ont trouvé refuge ailleurs qu’en France, pays dont ils reprochaient à Lionel Zinsou de provenir.

Le racisme qui est l’une des formes les plus abjectes du rejet de l’autre existe dans la plupart des sociétés. Ainsi, en Europe, la plupart des partis de l’extrême droite sont ouvertement racistes et anti-immigration et, dans certains pays, ces formations politiques ont même réussi à prendre le pouvoir. C’est le cas actuellement en Italie où un parti post-fasciste est aux commandes depuis le 21 octobre 2022. Mais, même dans les cas extrêmes, la déportation en masse des Noirs et des Arabes n’a jamais eu lieu et elle n’aura pas lieu parce qu’il y a souvent des dispositions constitutionnelles ou légales qui protègent les minorités.

Généralement en Europe occidentale, quel que soit le régime, un Africain noir peut obtenir la nationalité, travailler et avoir droit à une vie tranquille. En tout cas, ces droits ne lui sont pas refusés à cause de la couleur de sa peau. Nombre « d’étrangers » ont même réussi à se hisser à des sommets que peu d’authentiques autochtones pourraient atteindre. C’est le cas en France où, depuis la colonisation, peu de président ont formé des gouvernements sans Africains. En Angleterre, l’actuel Premier ministre est un Indien d’origine, tout comme d’ailleurs le maire de Londres la capitale.

Par contre, au Libéria, la constitution interdit l’accès à la nationalité et à la propriétaire foncière à toute personne de couleur blanche. Si cette disposition est une survivance de l’histoire du pays créé en 1847 comme terre de retour des esclaves affranchis d’Amérique, sa suppression se heurte à une vive résistance de la part d’une partie de la population et de la classe politique. George Weah, l’actuel président, n’a rien pu malgré sa volonté affichée depuis son arrivée au pouvoir.

Parfois, les lois adoptées pour barrer la route à « l’étranger » conduisent à des situations incongrues. En Zambie, alors que la loi ne l’autorise pas à devenir président, le pays n’avait d’autre choix que d’accepter Guy Scott, un Blanc, comme président intérimaire après la mort du président Michael Sata. Une transition de trois mois qui aurait dû faire réfléchir car ce vice-président accidentel n’a pas démérité. Au contraire.

Le Niger a lui aussi été récemment secoué par un problème de couleur, le candidat ayant remporté la dernière élection présidentielle étant un Arabe, dans un pays certes à majorité noire mais ayant de fortes minorités plus claires de peau.

Pour sa part, l’Afrique du Sud s’est souvent illustrée par des chasses à l’étranger, mais cette fois-ci ce sont des Noirs qui pourchassent d’autres Noirs parce que ces derniers ne sont pas sud-africains. Et tout cela sous le regard complaisant des autorités au plus haut sommet de l’Etat. Alors que tout le continent s’est mobilisé pour lutter contre le régime de l’Apartheid qui reléguait les Noirs au rang de citoyens de seconde zone.

Les Négro Africains ont toujours été très sensibles à la question de racisme, sans doute parce qu’ils ont subi beaucoup de frustrations tout au long de ces derniers siècles marqués par la traite des esclaves et par la colonisation. C’est pour cela que sur le continent, toute forme de racisme devrait être prise très au sérieux tant au niveau des citoyens que des institutions africaines. Mais, cette prise de conscience risque de ne pas venir bientôt, au regard de la situation actuelle. Et si l’Europe et les pays occidentaux de façon générale ne sont pas forcément des territoires où règne de façon absolue la tolérance, l’environnement juridique permet d’interpeler les auteurs de certains propos et actes et, ainsi de tenter de canaliser un phénomène dégradant pour tout être humain. Un exemple à suivre par le continent africain.

Pierre MATCHOUDO

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