Présidentielle 2026: Des retournements de veste malgré le code

Si le code électoral interdit à un élu de parrainer un candidat hors de son camp, elle ne l’oblige ni à soutenir activement un candidat qu’il désapprouve, ni à l’empêcher de faire campagne pour un adversaire de son camp. Ce paradoxe souligne la complexité du système électoral béninois : bien que soumis à des règles strictes, le jeu politique conserve une souplesse qui permet aux élus de manœuvrer selon leurs intérêts et leurs affinités.
L’élection présidentielle de 2026 au Bénin s’annonce comme un moment charnière pour la scène politique nationale. Le jeu reste entièrement ouvert, le président Patrice Talon ayant annoncé, comme il l’a promis à maintes reprises, qu’il ne se présentera pas au scrutin. En l’absence d’un dauphin désigné et d’un leadership clair, tous ses supporters peuvent donc virtuellement prétendre à la candidature. Ce qui rendra le choix difficile et qui risquera de faire éclater les deux partis qui marchaient unis à pas forcés.
Toutefois, théoriquement, il ne devrait pas y avoir de difficultés, le code électoral ayant inclus des dispositions visant à maintenir l’union au sein des partis. Ce texte impose aux élus de ne parrainer qu’un candidat issu de leur propre formation politique. Toutefois, cette disposition légale ne supprime pas totalement les marges de manœuvre des élus, qui conservent une certaine liberté d’action.
En effet, rien n’empêche un élu de refuser d’accorder son parrainage à un candidat qui ne lui convient pas, même si ce dernier appartient à son parti. Un député ou un maire peut ainsi, en toute légalité, choisir de ne pas soutenir officiellement un candidat de sa formation s’il estime que celui-ci ne correspond pas à ses attentes. Ce constat met en évidence les limites de la loi : bien qu’elle encadre strictement le processus de parrainage, elle ne peut contraindre un élu à aller à l’encontre de ses convictions politiques.
De surcroît, un élu conserve toute latitude pour mener campagne en faveur d’un candidat qu’il n’a pas parrainé, y compris si celui-ci appartient à un camp adverse. Cette situation illustre parfaitement le proverbe selon lequel « on peut amener son cheval à la rivière, mais on ne peut pas le forcer à boire ». Autrement dit, la loi peut imposer une contrainte administrative, mais elle ne saurait dicter les choix personnels et stratégiques des acteurs politiques.
Ainsi, le démarchage politique et les retournements de vestes ne sont pas à exclure à l’occasion de ce scrutin. Les candidats, conscients des failles du système, peuvent chercher à obtenir des soutiens indirects au-delà du simple parrainage. Les élus, quant à eux, peuvent contourner la restriction du parrainage en misant sur des alliances informelles et des campagnes de terrain en faveur du candidat de leur préférence. Ce phénomène ouvre la voie à un véritable « mercato politique », où les stratégies se redéfinissent selon les intérêts du moment.
Damien TOLOMISSI