Alors qu’il était attendu en cette période de lutte pour l’alternance au pouvoir, l’ex-ministre Candide Azannaï se fait plutôt remarquer par son silence, au point où d’aucuns se demandent de quel bord il est désormais.
Alors que la quasi-totalité des principales figures de l’opposition ont haussé le ton pour condamner l’arrestation de Reckya Madougou la candidate désignée du parti “Les Démocrates” à l’élection présidentielle devant se tenir dans quelques jours, le président du parti Restaurer l’Espoir (RE) est le seul principal responsable de formation politique de la ” Résistance” à ne pas s’être exprimé sur ce sujet. Madougou, dont la candidature a été rejetée par la Commission électorale nationale autonome (Cena) a en effet été arrêtée à la fin d’une réunion tenue par l’opposition le 3 mars 2021 à Porto-Novo. Depuis, elle est détenue à la prison civile de Missérité, les autorités l’accusant d’« Association de malfaiteurs et de terrorisme ». Accusation que rejette l’ensemble de l’opposition qui affirme que cette arrestation est plutôt motivée par des raisons politiques.
Non seulement Candide Azannaï s’est abstenu de commenter cette arrestation, mais il a également gardé le silence sur les exigences de l’opposition qui demande au président Talon de démissionner le 6 avril, soit tout juste au terme des cinq ans de mandat présidentiel. Depuis l’approche de l’élection présidentielle, les réseaux sociaux sont devenus le relai privilégié de nombre d’opposants qui diffusent à profusion des invectives contre le président Talon, candidat à sa propre succession. Habitué à ces réseaux, le président de Restaurer l’Espoir s’est ici aussi abstenu de donner de la voix.
Ce silence de l’un des opposants, le plus à même de mobiliser des foules et de faire trembler les régimes, exaspère plus d’un au sein de l’opposition. Certains ont tenté de le présenter comme un traître à la cause de l’opposition en montrant, à travers des propos sortis de leur contexte, qu’il a rejoint le camp du candidat Talon.
Candide Azannaï est un acteur politique sulfureux, radical dans ses prises de positions. Il n’a pas sa langue dans la poche d’autant plus qu’il se sait intouchable. En effet, à ce jour et alors qu’il a géré le Ministère du Commerce sous le président Yayi Boni et celui de la Défense sous Patrice Talon, nul n’a sorti un dossier sale pour le compromettre. Mais, autant il parle, autant il sait aussi garder le silence tant que sa parole ne mène à l’action.
Ayant été dans le secret de la mise en place de ce qu’il a été convenu d’appeler la politique de la « ruse et rage », il sait que le président Talon a une longueur d’avance sur son opposition. Chaque pas avancé par le pouvoir est planifié en prévision d’un bénéfice politique lointain que l’opposition est loin de percevoir dans l’immédiat. Eu égard à cela, Azannaï qui est désormais dans l’opposition est convaincu qu’il ne peut rien contre cette politique. Parlant de ses compagnons de l’opposition, il affirmait en octobre 2020 à Dangbo ce qui suit : « de quelle victoire parlent-ils ? Vous n’avez pas tué l’ours, vous dépecez sa peau. Qui parmi eux peut battre Patrice Talon ? Ils n’ont qu’à sortir un à un je vais les voir ».
Azannaï n’aime pas perdre une seule bataille et ici, il se rend compte que le rapport de forces n’est pas en sa faveur. En bon stratège, il applique le principe du tacticien chinois de l’antiquité selon lequel il faut éviter d’attaquer votre ennemi lorsque celui-ci est plus fort que vous.
Pierre MATCHOUDO