Site icon Gaskiyani Info

Politique de décrispation : Les maillons manquants

Depuis le début de son second mandat en mai 2021, le président Talon a entrepris de décrisper l’ambiance politique jusqu’alors électrique conformément à son engagement au lendemain de réélection. “Désormais donc, notre défi, notre leitmotiv doivent être de taire nos querelles pour nous consacrer à l’essentiel”, avait-il affirmé.

Et il a mandaté des responsables des institutions de la République pour des pourparlers secrets avec des opposants clés et des faiseurs d’opinion. Dans la foulée, il a reçu ses prédécesseurs Nicéphore Soglo et Yayi Boni qui étaient fortement opposés à sa politique. Dans la même lancée, les partis d’opposition ont été autorisés à prendre part aux élections législatives, ce qui était une première depuis son accession au pouvoir en 2016.

Mais tous ces efforts ne lui ont pas permis de gagner même un opposant à sa cause. Les antagonismes étaient trop forts pour que  ceux-ci aillent subitement se jeter dans ses bras. Et, à ce jour, aucune des revendications principales de l’opposition n’a été satisfaite.

Le parti ” Les Démocrates ” qui est la principale formation politique de l’opposition pose comme conditions préalables à toute réconciliation nationale, le retour des exilés et la libération des prisonniers politiques dont les principales figures sont Reckya Madougou et Joël Aïvo. Interpellés en pleine campagne pour l’élection présidentielle de 2021, ils sont privés de liberté depuis et rien ne laisse présager leur libération prochaine puisqu’ils ont été condamnés respectivement à 20 et 10 ans de prison.

Pour rendre éventuellement cette libération possible, le Parlement largement dominé par les députés du pouvoir a voté une loi fixant les conditions d’amnistie mais alors que plusieurs attendaient enfin la sortie de l’ensemble des détenus, rien n’y fit. Seuls quelques-uns triés selon des critères non élucidés ont pour le moment bénéficié de la mesure.

Quant aux exilés, la plupart d’entre eux sont poursuivis pour des crimes économiques avec comme dénominateur commun le fait d’avoir servi dans l’administration lorsque Yayi Boni était au pouvoir. Parmi eux figure le fils du président Soglo, ancien maire de Cotonou. Malgré le plaidoyer du père et de Yayi Boni en faveur de l’ensemble de ceux qui ont fui le pays, aucune garantie n’a été donnée pour leur retour en toute sérénité.

Aujourd’hui la liberté d’expression est quasiment revenue et les partis politiques peuvent mener leurs activités en toute liberté mais tant que ces deux maillons de la chaîne seront absents, il restera un goût d’inachevé à la décrispation de la vie politique nationale. Hélas, il y a beaucoup d’intérêts en jeu. Le président de la République en est à son dernier mandat et ses partisans ne verront pas d’un bon œil le retour sur scène de personnalités capables de leur barrer la route de la succession. Dans ce contexte, les jeux de coulissent vont forcément aller dans le sens du maintien du statut quo. Faire fi des pressions de son camp serait alors une attitude qui permettra au président Talon de sortir davantage agrandi, comme le général Mathieu Kérékou l’a fait à la Conférence nationale de 1990 lorsque, allant à contre-courant de son propre camp, il a accepté les conclusions de ces assises qui ont fondé la démocratie béninoise.

Pierre MATCHOUDO

Quitter la version mobile