Du plus jeune papa au plus vieux, la gestion du placenta de l’enfant reste une question fondamentale. Comment et où l’enterrer ? Tant que des bébés naissent chaque instant, cette préoccupation aussi vielle que l’existence de l’humanité demeure d’actualité. Elle l’est encore plus à l’ère du brassage interculturel où les civilisations s’influencent avec l’urbanisation très poussée des régions du Bénin.
Même si la manipulation du placenta varie d’une famille à une autre et est fonction de la résidence du père du nouveau-né, une pratique, presque commune, se dégage. L’usage de la feuille d’hysope, l’humidité et la confidentialité. Douche, jardin ou au bord d’un marigot ! Enterrer le placenta en lieu humide et juste après l’accouchement, restent une logique partagée par plus d’un. « Souvent, c’est au niveau de la douche que je faisais ça. Parce qu’en ce moment, j’étais dans une maison où la douche n’était pas carrelée, ni cimentée comme c’est le cas aujourd’hui dans presque toutes les maisons » confie Innocent Codjo Abouké, habitant de Ouèdo-Kpossidja.Originaire du plateau et précisément de Sakété au quotidien L’Evénement Précis. Thierry Fatolou est du même avis. Un lieu où il y a de l’humidité est toujours recherché dans ces circonstances : « Chez nous, le placenta est enterré après l’accouchement dans la cour de la maison ou là où il y a des plantes qu’on arrose » dit-il.
L’urbanisation, une gênante réalité?
Si autrefois, il est aisé d’enterrer le placenta de son enfant dans sa propre douche ou dans un coin de sa maison, les donnes ont sensiblement changé. Avec l’urbanisation des villes et même de certaines contrées reculées, beaucoup vivent en location. Soit, ils sont seuls soit dans une cour commune. Quand un bébé naît, ils sont rattrapés par cette réalité liée au Placenta. Certains n’hésitent pas à l’enterrer dans la maison louée, mais pour d’autres personnes, il n’est pas question d’enfouir le placenta de leurs enfants dans une maison d’autrui. « Actuellement, je suis en location. Quand ma femme accouche, je reçois le placenta et je vais l’enterrer dans notre maison familiale dans un lieu humide. Parce qu’en tant que locataire, je suis appelé à quitter la maison là un jour. Voilà pourquoi je préfère aller l’enterrer dans la maison familiale, là où je sais que c’est en sécurité » indique Wanignon Anicet Loko, vivant à Ouèdo Dessato. Même son de cloche chez Biowa Yolande, résidente de Arconville : « Mon mari l’enterre dans sa maison familiale au village ». Innocent Codjo Abouké s’aligne également sur ce principe « Pour mon dernier fils, né il y a 5 ans, j’ai fait cet enterrement au niveau d’un marigot. C’est dans l’optique de permettre à l’enfant d’avoir la paix, la facilité dans ce monde » confie-t-il à nos confrères du quotidien L’Evénement Précis.
Comment s’enterre le placenta?
Selon les traditions et certaines pratiques culturelles béninoises, la gestion du placenta est encadrée par certaines pratiques. « Chez moi, il te faut un petit canari plus des feuilles de l’hysope (7 si c’est une fille et 9 si c’est un garçon). Ces feuilles, tu les déposes dans le canari avant de mettre le placenta dessus tout en prenant le soin de garder le placenta dans une position ouverte. C’est à dire le poser de sorte que le cordon ombilical se retrouve en haut sur le placenta » explique Innocent Codjo Abouké avant d’ajouter « Quand vous le retournez, la femme ne tombe plu enceinte ». Il y a une petite variante dans la façon d’enterrer le placenta chez Wanignon Anicet Loko, habitant de Ouèdo Dessato. « Je mets le placenta dans un petit canari et je verse de l’huile rouge sur ça avant de déposer dans le trou que j’ai creusé. Il y a aussi une autre façon de le faire. C’est-à-dire que quand je fais le trou je dépose le placenta dedans et je mets en terre au lieu qu’on appelle communément “agnan”. Ceci compte tenu de l’adage qui dit “si man han do agnan” (cette plante regorge toujours d’eau) histoire de permettre à ce que ce placenta soit toujours dans l’humidité. Ce qui va à coup sûr apporter la paix dans la vie de cet enfant-là ».
Une question de confiance
« Pour ce qui me concerne, ce sont les parents qui s’en chargent. Ils mettent le placenta dans un canari accompagné de quelques feuilles et disent des prières avant d’enterrer. Peut-être qu’un jour, je ferai ça pour le nouveau-né de ma fille » raconte Thierry Fatolou, habitant de Cotonou. Un détail que renchérit Messan Dohou au micro de Anselme Houénoukpo. « En le faisant on fait une prière pour appeler de bons signes sur l’enfant qui vient de voir le jour ». Mais d’abord la première précaution dit-il « C’est de faire en sorte que cela (le placenta) ne soit touché par des souris. Et après il faut faire l’enterrement avec les feuilles d’hysope et dans un endroit humide. C’est pourquoi certains conseillent sous un arbre ou proche d’une douche ». Il insiste que le placenta soit enterré par quelqu’un de confiance. Sur ce plan, la confiance est exclue chez Biowa Yolande. « Mon mari ne le confie à personne. C’est lui-même qui prend la responsabilité de le faire puisqu’il faut être prudent pour ces choses qui sont vraiment sensibles » informe-t-elle. « Dans la main d’une personne malintentionnée, cela peut agir sur le destin de l’enfant. Donc mon époux va directement au village enterrer et quand on va là-bas ensemble, il me montre l’endroit » argumente Biowa Yolande.
Des voix dissonantes
À l’heure de l’interculturalité et surtout avec l’adoption des pratiques chrétiennes, certains rituels liés au placenta tendent à ne plus dire grand-chose à certains. C’est le cas de ce conducteur de taxi. « Toutes les familles ont leur histoire. Il n’y a pas de loi ni de texte qui réglementent sa gestion (placenta). Et ça dépend de chaque ethnie. Pour moi, j’enterre et c’est fini. Je suis chrétien et je peux même jeter » tranche Carlos Biaou.
Arnaud ACAKPO (Coll)