Patrice Talon : Une longueur d’avance sur ses adversaires

Patrice Talon a su imposer son rythme à la vie politique béninoise. Tandis que ses adversaires perdent du temps à interpréter ses actions et à redouter des intentions non confirmées, lui poursuit son agenda avec une redoutable efficacité. Son approche pragmatique et son sens de la stratégie politique lui permettent de maintenir une emprise quasi totale sur le pouvoir.

Depuis son accession au pouvoir en 2016, le président béninois Patrice Talon a constamment démontré une capacité d’anticipation politique qui prend de court ses adversaires. Ainsi, encore récemment, pendant que l’opposition, notamment le parti Les Démocrates, s’attarde à spéculer sur une éventuelle volonté de briguer un troisième mandat, Talon, lui, semble avoir déjà tracé la voie pour sa succession, stratégie en phase avec ses propos lorsqu’il a, à plusieurs reprises, affirmé qu’il ne briguera pas un troisième mandat. Son attention semble plutôt tournée vers la consolidation du système qu’il a mis en place et vers la préparation d’un successeur qui garantirait la continuité de ses réformes.

 Sa stratégie méthodique et calculée lui a permis d’asseoir son pouvoir, de restructurer le paysage politique et d’orienter le Bénin vers une gouvernance centralisée. Cette posture de travailleur inlassable face à une opposition focalisée sur les suspicions crée un déséquilibre politique. Plutôt que de proposer un véritable contre-projet pour séduire les électeurs, ses adversaires donnent l’impression d’être en réaction permanente aux décisions du chef de l’État.

Lorsque Patrice Talon a initié la réforme du système partisan en imposant des règles strictes pour l’obtention du récépissé d’existence légale, nombreux étaient ceux qui voyaient en cela une manœuvre pour museler l’opposition. En réalité, cette réforme lui a permis de structurer la scène politique à son avantage. La création de l’Union progressiste (UP) qui plus tard est devenue l’Union progressiste le Renouveau et du Bloc Républicain (BR) a donné naissance à une majorité écrasante, garantissant un parlement largement acquis à sa cause.

Ses adversaires, qui avaient sous-estimé cette stratégie, se sont retrouvés pris au piège. L’opposition a peiné à se structurer face à ces deux mastodontes, et lorsque le parti Les Démocrates a finalement pu émerger, il était déjà trop tard : Talon avait entre-temps réussi à faire adopter plusieurs réformes constitutionnelles sans grande résistance.

Sur le plan économique, Talon a réussi à imposer sa marque en modernisant les infrastructures et en renforçant la digitalisation de l’administration. Ses détracteurs, qui espéraient voir son régime s’effondrer sous la pression sociale, ont dû constater que malgré les critiques, le Bénin enregistre des avancées en matière d’assainissement des finances publiques et d’amélioration du climat des affaires.

D’un point de vue institutionnel, il a verrouillé les rouages du pouvoir en instaurant des réformes qui limitent drastiquement les marges de manœuvre de ses opposants. L’adoption du parrainage pour la présidentielle, par exemple, complique considérablement la tâche des candidats ne bénéficiant pas du soutien des grandes formations politiques.

Damien TOLOMISSI