Au creux de la vague aujourd’hui, le président Patrice Talon sera-t-il vu demain comme un héros ?
Même en l’absence de sondage scientifique au Bénin, il n’est pas compliqué de constater que le président de la République est au bas de sa popularité auprès de ses compatriotes, contrairement aux étrangers foulant le sol du Bénin. Pour ces derniers, surtout en provenance des Etats sahéliens, Patrice Talon est tout simplement bon. La comparaison avec la situation sociopolitique de leur propres pays doit en être les paramètres. Il reste que les Béninois souffrent réellement. Ils ont donc des raisons bien fondées de rejeter un régime qu’ils ont pourtant installé avec enthousiasme.
Elu avec plus de 64% en 2016, l’actuel président était perçu comme un sauveur, un entrepreneur prospère qu’ils espéraient voir mettre la méthode qu’il a fait sa fortune au profit de l’épanouissement collectif. Au fil des années, la ferveur a fait place au désamour. Entre temps, l’inflation est passée par là, avec toutes ses répercussions sur le panier de la ménagère. Le déguerpissement des acteurs économiques installés aux abords des routes, le blocage des voies de passage des produits agricoles à destination des pays voisins, les licenciements… sont autant de sujets qui fâchent et qui expliquent la chute de popularité du chef de l’Etat.
Aujourd’hui, le régime rejeté en 2016 est perçu comme un paradis perdu. L’ancien président, pourtant traité de tous les noms à l’orée de l’élection ayant abouti à l’alternance, est aujourd’hui l’égérie du peuple. Partout où il foule les pieds, c’est la liesse populaire qui cède place aux critiques.
Ce tableau contrasté illustre bien le destin de tous les présidents en exercice au Bénin. Un chef d’Etat en exercice n’est jamais bon. La liberté d’expression étant plus ou moins réelle, celui-ci doit faire face aux critiques voire aux insultes pour des situations dont il n’est même souvent pas responsable. Vers la fin de la Révolution marxiste-léniniste des années 70 et 80, le général Mathieu Kérékou, alors chef d’Etat, avait lancé une boutade pour exprimer son agacement face aux critiques souvent infondées des populations. A peu près il disait ceci : même la poignée de leur porte se gâte : « c’est le gouvernement ».
Premier président élu démocratiquement en 1991, Nicéphore Soglo avait eu pour mission de poser les fondations d’un Etat nouveau tout en débutant la construction des infrastructures routières qui manquaient cruellement. Mais lors de l’élection présidentielle cinq ans plus tard, la même population qui l’avait applaudi et « vomis » le révolutionnaire Kérékou, avait déclaré qu’on « ne mange pas le pavé ». Une manière de dire qu’il n’a fait que construire des routes dont ils n’avaient pas besoin au lieu de leur donner à manger.
Au creux de la vague aujourd’hui, il n’est pas doute que Patrice Talon peut-être bien perçu, rétrospectivement, comme un héros surtout avec les réformes et les infrastructures qu’il réalise, à la suite de ce que ses prédécesseurs ont fait.
Damien TOLOMISSI