Accorder ou non à chaque élu la liberté de parrainer le candidat de son choix : voici la question essentielle qui déterminera l’issue de l’élection présidentielle prochaine et qui, déjà fait débat.
Pierre MATCHOUDO
La Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) a franchi un pas de plus vers la mise en œuvre du principe du parrainage des candidats à l’élection présidentielle de 2021. Ce mardi 29 septembre, Emmanuel Tiando a dévoilé, au siège de l’institution qu’il dirige, la manière dont les élus devront procéder pour accorder leur parrainage aux prétendants à la candidature. Selon lui, chacun des 77 maires et des 83 députés recevra « un formulaire nominatif » qu’il donnera au candidat de son choix. La CENA, rassure son président, a pris des dispositions pour sécuriser les formulaires et ainsi garantir l’anonymat du parrain.
Cette procédure n’est pas anodine. Elle accorde la pleine liberté à chaque élu d’opérer son choix en toute conscience. Pour les formations politiques, c’est plutôt un risque, les élus étant libérés de l’obligation de suivre la discipline de groupe. Il est vrai qu’il est toujours possible, a posteriori, de savoir qui n’a pas accordé son parrainage au candidat du parti, mais c’est déjà une porte ouverte vers des choix opérés en toute liberté.
Une proposition déjà contestée
Cette possibilité n’est pas du goût de tous les membres de partis soucieux de l’unité de leur formation. La réaction du d’Abdoulaye Gounou trahit une velléité d’embrigadement des élus. Selon ce député du Bloc Républicain, la CENA doit plutôt convoyer les formulaires individuels au siège des partis pour que ceux-ci, « en toute liberté » distribuent les parrainages aux candidats. Du coup, les élus ne sont plus libres de leurs choix.
A cette allure, seuls deux partis pourront présenter des candidats à l’élection présidentielle, à savoir le Bloc Républicain et l’Union Progressiste. Ils sont en effet les seuls à avoir des représentants au Parlement et quasiment les seuls à avoir remporter les 77 mairies. Partis créés sous l’impulsion du chef de l’Etat, il va sans dire qu’ils n’auront d’autre choix que de parrainer les candidats ayant reçu l’assentiment du chef de l’Etat.
L’option de l’honorable Gounou garantit-elle une élection inclusive ?
L’option représentée par le député Gonou ne garantit pas une élection inclusive, ce que réclame une grande partie de la classe politique. Tout au plus, elle traduit la peur de certains élus de perdre des privilèges car ils sont sans doute nombreux, ceux parmi eux qui n’auraient pas été élus si les dernières législatives avaient été ouvertes aux partis d’opposition.
L’Assemblée nationale est composée de parlementaires dont certains ont retourné leur veste pour se retrouver aux côtés du président Talon au lendemain de la présidentielle de 2016. S’il y en a qui l’ont fait par conviction ou sympathie, d’autres, par contre, se sont vus obligés de faire allégeance au nouveau chef pour garantir leur liberté et leurs intérêts. Cette dernière frange de députés est celle sur lesquels les partis Bloc Républicain et Union Progressiste ne peuvent compter, ce qui peut justifier une tentative de confiscation de leur liberté. La remise en cause de la décision de la CENA s’explique, en définitive par la nécessité d’empêcher les députés rebelles tapis dans l’ombre de s’exprimer car leur laisser le libre choix pourrait entraîner l’échec du candidat de la majorité à l’élection présidentielle. Pour conjurer une telle issue, les députés du Bloc Républicain représentés par Abdoulaye Gounou pourraient, dans une ultime tentative, saisir la Cour constitutionnelle pour que celle-ci contraigne la CENA à revoir sa copie.
Mais d’ores et déjà, il semble que le président Talon a tranché. Dans une interview récemment accordée à l’hebdomadaire Jeune Afrique, il rassurait l’opinion publique en ces termes : “Il y aura compétition, les maires et les députés joueront leur rôle, pour parrainer les candidats de leur choix, lesquels ne relèveront pas tous de la majorité”.