Ces derniers temps, la scène politique béninoise est davantage marquée par un phénomène, pour le moins, inquiétant et ayant le vent en poupe : l’usage d’insultes et de propos dégradants de la part de certains acteurs politiques. Ce langage ordurier, loin de servir le débat démocratique, est toxique à plusieurs égards. En effet, il arrive à focaliser l’attention de nombreux citoyens, en les détournant de l’essentiel que sont les grands défis de l’heure notamment ceux existentiels avec une inflation de plus en plus généralisée des prix des produits de consommation de première nécessité.
Autrefois, considéré comme un espace d’échange d’idées et de joutes oratoires, le débat politique semble se métamorphoser, au fil du temps, en une arène où les attaques personnelles et les mots blessants prennent le pas sur les arguments de poids. Les réseaux sociaux, de nos jours, devenus un terrain de prédilection pour ces échanges virulents, amplifient le phénomène, offrant une visibilité sans précédent à ces dérives verbales.
Les conséquences de cette tendance sont multiples. D’une part, elle jette du discrédit sur la classe politique dans son ensemble, renforçant la défiance des citoyens envers leurs dirigeants. D’autre part, elle nuit à la qualité du débat public, faisant abstraction des réelles problématiques à résoudre à court et moyen termes. Enfin, un tel phénomène risque d’envenimer les tensions sociales, dans un contexte où le vivre-ensemble est déjà mis à rude épreuve. Des insultes à la haine, le pas peut être facilement franchi. Et le comble sera vite atteint quand le discours haineux parvient à occuper une place de choix dans l’écosystème politique de notre pays. Les jeunes béninois, en quête de repères et d’inspiration, scrutent tous ces faits et gestes. En voyant leurs dirigeants s’enliser dans des querelles stériles, une frange de ces jeunes pourrait, in fine, mordre à l’appât en copiant à la perfection de pareils dérapages verbaux. Quel héritage politique sont-ils en train de léguer aux générations montantes?
Face à cette situation, il est urgent que les acteurs politiques prennent conscience de toute la mesure de la responsabilité qui est la leur. Car, en démocratie, liberté rime avec responsabilité. De ce fait, le respect mutuel, un langage empreint de courtoisie etc… doivent être des règles à observer au sein de l’espace politique. Les populations, quant à elles, ont un rôle à jouer en refusant de cautionner de telles pratiques. Il nous faut cultiver des valeurs axées sur l’éthique et la morale et fouler, par conséquent, au pied la puissance de l’argent et tout ce qui va avec.
Cet extrait de Nicolas Machiavel en dit long sur le choix judicieux à opérer : “On a demandé s’il valait mieux être aimé que craint, ou craint qu’aimé.(…) Je crois qu’il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. Les hommes, il faut le dire, sont généralement ingrats, changeants, dissimulés, timides et âpres au gain. Tant qu’on leur fait du bien, ils sont tout entiers à vous ; ils vous offrent leurs biens, leur sang, leur vie, et jusqu’à leurs propres enfants, lorsque l’occasion est éloignée ; mais si elle se présente, ils se révoltent contre vous. Et si le prince qui, faisant fond sur de si belles paroles, néglige de se mettre en mesure contre les évènements, court le risque de périr, parce que les amis qu’on se fait à prix d’argent, et non par les qualités de l’esprit, sont à l’épreuve des revers de la fortune et vous abandonnent dès que vous avez besoin d’eux. Les hommes, en général, sont plus portés à ménager celui qui se fait craindre que celui qui se fait aimer”. Mieux vaut donc chercher à être aimé qu’à être craint quel que soit le prix à payer.
S’il est vrai que les réseaux sociaux sont des canaux de diffusion pour impacter un plus grand nombre possible de personnes surtout la couche juvénile, il n’en demeure pas moins évident que certains politiciens, en mal de popularité, n’hésitent pas à user et abuser de l’une des facettes perfides de ces outils de communication modernes : ce m’as-tu-vu qui s’illustre à travers des dérives de toutes sortes !En empruntant ce côté avilissant des réseaux sociaux, le climat pacifique tant prôné en démocratie va, progressivement, se fragiliser… Comme dit l’autre: “C’est même un terrible aveu de faiblesse !”
Si la politique est, par essence, un espace de confrontation, par excellence, des idées ; elle ne doit pas devenir un champ de bataille pour faire véhiculer des invectives, des dénigrements… Le Bénin mérite mieux que ces insultes et autres propos abjects. Il est temps de redonner à la politique toute sa noblesse et son utilité au service de l’intérêt général.
Damien TOLOMISSI