Marché Dantokpa : Les causes évidentes des incendies

Les causes des incendies répétitifs à Dantokpa sont évidentes. Il reste à trouver des solutions efficientes.

Après le dernier d’une longue série, le gouvernement vient d’initier une enquête pour déterminer les causes des incendies répétitifs au marché Dantokpa. Il s’agira selon le ministre porte-parole, qui faisait un point de presse le 12 mai suite à l’incendie de la nuit du 7 au 8 mai dernier, de voir si les feux qui consument le marché sont d’origine criminelle ou accidentelle. Mais, d’ores et déjà, quelques évidences s’imposent aux observateurs. Le plus grand marché de la sous-région concentre des ingrédients qui font de lui une véritable poudrière prête à s’embraser à la moindre étincelle.

Plus qu’un marché, Dantokpa est un ghetto dans lequel la question sécuritaire semble avoir été le dernier des soucis depuis sa construction jusqu’à son occupation. Selon des estimations, plus d’un (01) millions d’acheteurs se bousculent quotidiennement dans ce marché d’à peine 15 hectares. Cette densité humaine hors norme a lieu dans un espace où les infrastructures ne répondent à aucune norme sécuritaire.

A l’exception du bâtiment central construit en matériaux solides, la plupart des autres boutiques sont tout simplement des hangars en taule ondulée et en bois. Quant aux installations électriques, elles sont faites souvent par des techniciens aux compétences douteuses, ce qui entraine le risque de court-circuit dans des boutiques.

Avec plus de 15.000 boutiques, Dantokpa manque pratiquement de système d’alarme précoce en cas de déclaration de feu. Et pourtant, tout s’y vend, y compris des produits hautement inflammables. En plus de cela, des restaurants de fortune sont installés un peu partout dans le marché. Les tenancières utilisent du bois et du charbon comme combustible, ce qui constitue un danger.

Le résultat de tout ceci est un grand désordre auquel s’ajoute l’imprudence des usagers. Il est vrai que certains incendies, comme celui de la nuit du 30 octobre au 31 octobre 2015 ont des causes externes. Ce drame qui a vu 755 boutiques a été causé par un camion transportant du carburant de contrebande et qui avait pris feux à proximité de la clôture du marché à côté du secteur de vente des pièces détachées de motos. Depuis, les automobilistes qui encombraient le secteur, ont été déguerpis et la zone assainie.

Outre ce dernier incendie, le feu a consumé marchandises et boutiques sous tous les régimes depuis l’installation du marché sur son site actuel en 1963. Pour enrayer ce malheur à répétition, une unité du Groupement des sapeurs-pompiers a été installée dans le marché mais sa capacité d’intervention est entravée par la foule qui s’y bouscule et surtout par l’étroitesse des ruelles à l’intérieur du marché. Des ruelles que des milliers de commerçants ont transformé en lieu de vente. Il est donc quasi impossible aux véhicules d’intervention de se frayer le chemin en cas d’incendie dans le marché lorsque cela se passe en plein jour.

Si les causes indirectes bien évidentes sont connues, il reste à trouver des mesures permettant de mettre fin à cette tragédie en série. Pour sa part, le président Talon semble opter pour une solution radicale : déplacer simplement le marché et du cœur de Cotonou à Abomey Calavi. Créé dans les années 1940, Tokpa était installé dans la zone de Ganhi et, plus tard à Gbogbanou avant de se retrouver à son emplacement actuel. Selon des informations, les travaux ont déjà démarré sur le nouveau site. Mais le déménagement ne saurait à lui seul enrayer le malheur de Dantokpa car, selon l’adage, les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Il est donc important que des infrastructures soient réfléchies afin de répondre au besoin de sécurité.

Pierre MATCHOUDO