S’il y a un homme politique qui a un parcourt singulier, c’est bien Luc Atrokpo. Il est en effet le seul à avoir eu l’honneur de présider, en tant que maire, la destinée de deux grandes villes du Bénin. D’abord, Bohicon où il a passé près de 17 ans. Pourtant indétrônable dans cette cité faisant corps avec Abomey, il a pourtant préféré se présenter à Cotonou, la capitale économique bien plus intéressante aux plans stratégique et financier.
Ainsi, depuis les dernières élections communales, c’est bien lui qui trône à la place qu’avaient occupée, pendant près de deux décennies, l’ancien président Nicéphore Soglo et son fils Léhady. Après le départ sous pression de ce dernier, il fallait un homme de poigne, qui a fait ses preuves à la tête d’une grande ville, ce qui, sans doute, justifiait l’arrivée de Luc Atrokpo.
Populaire, Atrokpo l’était réellement à Bohicon où, en tant que fils du coin, il était au plus près de ses électeurs. Mais, depuis son arrivée à la tête de Cotonou, il semble éclipsé par la communication gouvernementale qui attribue au chef de l’Etat la réalisation des travaux d’embellissement de la ville. Par ailleurs, au lendemain de son élection, M. Atrokpo a eu des ennuis de santé qui l’ont obligé à se faire évacuer à l’extérieur d’où il est revenu après de longues semaines de traitement. Ainsi, à l’heure du bilan, le maire n’aura pratiquement pas grand-chose à exhiber aux populations dont il cherche les suffrages.
Tout-puissant à Bohicon, Luc Atrokpo ressemble bien à un géant aux pieds d’argile à Cotonou. D’ailleurs, son élection était jouée d’avance car il n’a fait que bénéficier de la faveur de ceux qui ont bien voulu le positionner sur la liste d’un parti d’avance gagnant. L’Union Progressiste qui a porté sa candidature est en effet l’un des deux partis créés par le président Patrice Talon. Laissé à lui-même, il est très peu probable qu’il réédite l’exploit d’une élection, d’abord comme conseiller municipal, ensuite comme maire de Cotonou.
N’ayant aucune base électorale à Cotonou, il reste au maire à retourner dans son fief pour entretenir ses électeurs, les seuls qui le portent vraiment à cœur. Mais, seulement, une demi-décennie d’absence créée un vide vite comblé par d’autres acteurs politiques. Le retour au bercail ne sera donc pas forcément un retour triomphal. Au contraire. L’enfant prodige devra reconquérir un électorat qui l’a déjà remplacé par des leaders qui, sans doute, ont eux aussi fait leurs preuves.
Pierre MATCHOUDO