Limitation du nombre de mandats à l’Assemblée Nationale: L’incertitude gagne le rang des députés

La sérénité commence déjà à disparaître à l’Assemblée nationale. En cause, la perspective de ne plus faire partie de la prochaine mandature au lendemain du 8 janvier prochain, les députés perpétuels menacés de ne plus se présenter aux élections législatives.

D’après plusieurs indiscrétions, le chef de l’Etat aurait fait savoir que les députés de ses partis, le Bloc Républicain et l’Union Progressiste) ayant déjà fait trois mandats ne seront plus présentés sur les listes électorales en vue des élections de janvier 2023. Si cela se faisait, ce serait un grand nombre de parlementaires qui serait ainsi laissé en rade. En effet, il y a des députés de toutes les circonscriptions électorales ont déjà fait cinq et même plus de mandats, ce qui fait d’eux des carriéristes de l’Assemblée nationale.

Parmi ceux-ci, certains n’ont pas d’activité économique évidente. Pour eux, c’est donc la perspective du chômage qui se profile avec tout ce que cela implique à savoir l’angoisse suscitée par la peur de l’avenir. Quand bien même ils dépensent une partie de leurs émoluments pour entretenir leur électorat, les députés mènent tout de même une vie aisée comparativement à leurs compatriotes électeurs. A la retraite forcée, les moins fortunés parmi eux finiront par ne plus rouler dans des véhicules de luxe achetés aux frais du citoyen. Adieu aussi aux garde du corps, aux chauffeurs et à bien d’autres avantages qui font d’eux des citoyens à part.

Cette descente dans la masse s’accompagne de la perte d’influence. De député très puissant, consulté par les constituants, certains de ces députés forcés à la retraite finiront sans doute par devenir des individus quelconques, que plus personne ne vénère.

Mais, le plus grand « mal » que redoutent la plupart des députés, c’est le risque de se retrouver devant les tribunaux pour des dossiers qu’ils trainent et qui les poussent à toujours se faire élire. A plusieurs occasions, des observateurs de la scène politique béninoise ont attiré l’attention sur le fait que le Parlement est devenu un refuge pour certaines personnes craignant des poursuites judiciaires.

Les médias ont, par le passé, relevé des scandales dans lesquels des noms sont cités sans que cela ait eu d’effet, certains mis en cause bénéficiant de l’immunité accordée à des membres du gouvernement et du Parlement. D’après les sources bien introduites, dans sa volonté de lutter contre la corruption, le chef de l’Etat est prêt à lâcher tous ceux qui sont soupçonnés de malversations, qu’ils soient de l’opposition ou de sa propre mouvance. Et c’est ce qui expliquerait, en grande partie, cette volonté de faire partir les dinosaures de l’Assemblée nationale.

L’éclaircie de l’Assemblée nationale est une opportunité pour ouvrir la voie à une nouvelle génération, jusque-là étouffée par les vieux briscards. Mais seulement, ces derniers se laisseront-ils aussi facilement enterrés vivants ? Non positionnés sur les listes des partis BR et UP, ils peuvent bien s’en aller pour tenter de se faire élire sur d’autres listes, notamment celles de l’opposition. Ce qui est un risque car, non élus, ils précipiteraient leur descente aux enfers. Mais, qui ne risque rien n’a rien, dit un proverbe.

La seule manière de les exclure définitivement du parlement est d’adopter une loi qui interdit à tout député ayant déjà fait trois mandatures de chercher à en briguer un quatrième. Mais là encore, le vote d’une telle loi passera par l’Assemblée nationale. Accepteront-ils de scier la branche sur laquelle ils sont assis ? Rien n’est certain, à moins que le président Talon use de son influence, lui qui sait comment bien les tenir.

Pierre MATCHOUDO