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Lalo : Les femmes au cœur de l’agriculture

L’agriculture est l’activité principale des populations de la commune de Lalo comme dans la plupart des communes du Couffo. Au cœur de cette activité à Lalo se retrouvent les femmes. Dans cette commune, la femme occupe une place prépondérante dans ce secteur d’activité.

Le soleil s’est déjà levé et a entamé sa cours vers le zénith ce mardi matin. Nous sommes dans l’arrondissement de Adoukandji dans le village de Sèwahoué, dans l’un des champs de la coopérative ‘’Djouwanou’’. Ici, les femmes sont déjà au travail. Ce matin, il est question de déterrer les tubercules de manioc. L’organisation du travail est faite de sorte que, au moment où certaines femmes sortent de terre les tubercules de manioc, d’autres les ramassent et les transportent au point de ralliement. Là, il y a un groupe de femmes qui épluchent les tubercules pendant qu’un autre groupe les lave avant de les transporter dans les tricycles pour la maison afin de poursuivre le processus de production du gari et dérivés. «C’est nous même qui avons planté le manioc », explique une des coopérants. La coopérative regroupe cinq groupements de femmes. Raymond Agahoun, Comptable d’un projet de la Fondation des Etats-Unis pour le développement en Afrique (US AFD) pour la transformation du manioc en gari et ses dérivés de 2017-2019 précise que chaque groupement est composé d’au moins 25 femmes. «On fait aussi du maïs. Moi personnellement, à ce jour, (la saison sèche s’achève), je n’achète pas du maïs. C’est ce que j’ai moi-même produit que je consomme. Elle informe que la majorité des femmes à Lalo s’investie dans l’agriculture. Elles s’y mettent le cœur. La coopérative est aussi dans la vente du maïs », renseigne Madeleine Kigninou, présidente de la coopérative ‘’Djouwanou’’. Ainsi, à part la culture du manioc, les femmes font d’autres activités champêtres. Par exemple, il y des groupements de femmes qui cultivent la tomate et en font la transformation.

Une main mise 

Comme à Sèwahoué, des 40 coopératives agricoles répertoriées à travers la commune de Lalo, 22 sont à forte dominance de femmes. «Aujourd’hui nous les femmes nous sommes plus impliquées dans l’agriculture plus que les hommes. Nous sommes au centre de ce secteur », confie Madeleine Kigninou. Le roi de Lalo, Sa majesté Oba Olou Aïkpé confirme qu’il y a plus de femmes dans l’agriculture que d’hommes. Une source interne à une structure en charge de l’agriculture dans la commune ne dira pas le contraire. Elle indique : «Plus de la moitié des agriculteurs sont des femmes. Dans chaque ménage, il y a une femme qui s’adonne à l’agriculture ». Pour montrer cette forte emprise des femmes dans le secteur, la source précise qu’il y a trois maillons dans l’agriculture. Il y a le maillon production, le maillon transformation et  le maillon commercialisation. Et «au niveau de chaque maillon, on retrouve les femmes ». Dans cette commune, peu de femmes interviennent dans le laboure et le sarclage. Elles préfèrent plutôt payer la main d’œuvre. Mais, à partir de l’étape de la mise en terre de la semence jusqu’à la commercialisation, elles s’en occupent elles-mêmes. A en croire Sa majesté le roi de Lalo, en se mettant en coopérative, les femmes ont supplanté les hommes dans le secteur de l’agriculture. Dans chaque ménage, il y a forcément une femme qui est dans l’agriculture.

Mais, pourquoi cette forte dominance ?

Plusieurs facteurs expliquent cette prédominance de la femme dans un secteur plutôt réservé aux hommes et où les femmes n’étaient par le passé que des accompagnantes. Le premier acteur est la survie. Notre source interne d’une structure en charge du secteur dans la commune explique que culturellement les ‘’Adja’’ sont dans un système de polygamie. Les femmes pour subvenir à leur besoin, n’ont qu’une seule option, cultiver la terre. A Lalo, le taux de fécondité dans un ménage est de 5 ou 6. Et il faut subvenir aux besoins des enfants puisque la majorité des femmes n’est pas instruite. Il y a aussi le fait que les femmes par ici sont vulnérables. Madeleine Kigninou va dans le même sens. Elle explique que normalement, c’est l’homme qui doit subvenir aux besoins de la famille. Mais, quand l’homme fait par exemple sa récolte, «il va la vendre et prendre l’argent pour aller prendre une autre femme ». C’est donc, la récolte de la femme qui va servir à nourrir la famille. Ce n’est que quand la réserve de la femme finit que l’homme va, dans le meilleur des cas, mettre une partie de sa récolte pour la mettre à la disposition de la famille. Pourtant, même si la femme à son champs, elle est toujours tenue de venir en aide à son mari dans ses travaux champêtres. Sa majesté Oba Olou Aïkpé n’est pas complètement du même avis. Pour lui, c’est la volonté d’être autonome qui a poussé les femmes à envahir le secteur. Il raconte que la forte implication de la femme dans l’agriculture n’est pas forcément du fait de la tradition. Selon lui, avant, les femmes n’étaient pas autant impliquées dans l’agriculture. Mais, avec l’évolution du monde, tout le monde a compris que l’agriculture est un secteur pourvoyeur de revenus. Par exemple, «la culture du manioc dans cette région est bien rentable ». A l’en croire, c’est pour cela que beaucoup de femmes ont opté pour l’agriculture notamment celles qui ne sont pas instruites. Pour le roi de Lalo, ce n’est pas pour subvenir aux besoins de ses enfants. Il estime qu’elles le font pour s’acheter des pagnes, des bijoux et autres biens. De ce fait, il y a des femmes qui ont pu construire des maisons, s’acheter des terrains avec les revenus de l’agriculture. C’est même devenu une question de concurrence et de jalousie. Si une femme, à côté, travaille et s’achète quelque chose, sa voisine se donne comme défis de faire la même chose ou plus la saison qui va suivre. Il informe que les femmes qui n’ont de terrain à labourer éprouvent des difficultés. Elles sont obligées d’emprunter des terres et de partager leurs récoltes avec les propriétaires terriens. Cela n’empêche pas qu’une femme produise par exemple de tomate et qu’à la fin elle ne se retrouve avec le million.

Un fait à encourager à tout prix

Il est désormais indéniable que les femmes sont un maillon prioritaire dans le secteur agricole. Et cela n’est pas pour déplaire. «C’est une bonne chose et cela participe à l’émancipation de la femme », a soutenu le roi. Alors, pour lui, il faut donc multiplier les projets qui viennent en aide à ses femmes dans leur travail. Autrement dit, il faut encourager les femmes à s’y investir tout en veillant à leur facilité la tâche. Cela passe par la professionnalisation du travail pour permettre aux femmes de gagner en énergie et en temps. Il faut aussi renforcer leurs capacités et les appuyer en matériels. Les femmes ont besoin également de financement. La source interne à une structure agricole de la zone trouve que l’initiative du micro crédit Alafia mis en œuvre par le gouvernement est une bonne chose mais, il faut que le montant soit revu à la hausse. 

Arthur SELO (Coll)

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