Interdiction de voyage : Pourquoi le Bénin est menacé par les USA

Le Bénin figure sur la liste des pays dont les citoyens sont menacés d’interdiction de voyage aux Etats-Unis. Le gouvernement a encore 60 jours pour satisfaire les exigences des Américains afin de voir l’épée de Damoclès levée. Après la surprise et le choc, de plus en plus de Béninois se demandent pourquoi leur pays, autrefois si respecté à l’échelle internationale, tombe subitement dans un groupe de nations suspectes. Voici quelques raisons qui expliquent cette situation.
La cause profonde de la menace américaine réside dans les difficultés qu’éprouvent les Béninois à obtenir le visa. La plupart des demandes sont rejetées pour insuffisance de documents ou tout simplement parce que le requérant est suspecté de n’avoir pas l’intention de revenir au pays après son séjour. Face à cela, plusieurs Béninois et plus largement plusieurs africains jouent à manipuler les documents administratifs dans le but de se rendre crédibles auprès du consulat des Etats-Unis. Et une fois le visa obtenu dans ces conditions, le voyageur ne rentre plus au pays par crainte de ne plus se voir délivrer une autre autorisation de voyage.
C’est ainsi que chaque année, des centaines de Béninois obtiennent des visas pour les États-Unis afin d’étudier, visiter ou participer à des activités professionnelles. Selon les données du Department of Homeland Security (DHS), une part non négligeable d’entre eux ne respecte pas la date limite de leur séjour autorisé. En 2018, par exemple, 5,48 % des Béninois ayant obtenu un visa de court séjour (type B-1/B-2) sont restés sur le territoire américain au-delà de la durée permise.
Cette tendance n’est cependant pas propre au Bénin. Plusieurs pays africains affichent des taux similaires, voire supérieurs. Le Ghana a présenté en 2023 un taux de 7,5 % de dépassement pour les visas de tourisme, tandis que le Togo enregistrait près de 19 %, et le Burkina Faso plus de 12 %. Ces chiffres, bien que variables, démontrent une difficulté croissante à respecter les règles de séjour imposées par les autorités américaines.
Pourquoi dépasser la durée de son visa ?
Outre la difficulté évoquée à obtenir le visa, les raisons de ces violations sont multiples. Certains restent pour des raisons économiques, espérant trouver un emploi plus rémunérateur. D’autres poursuivent leurs études sans pouvoir renouveler leur visa, ou restent pour des motifs familiaux. Il y a aussi ceux qui redoutent de rentrer dans un pays instable ou où ils craignent pour leur sécurité. Enfin, la complexité administrative et le coût élevé des procédures de renouvellement poussent certains à rester de manière irrégulière.
Les sanctions au dépassement de la durée de séjour autorisée sont sévères. Toute personne qui dépasse la durée de son visa sans justification s’expose à une expulsion, à une interdiction de retour de 3 à 10 ans, voire à des difficultés majeures pour obtenir d’autres visas dans le futur. En outre, ces individus vivent souvent dans la clandestinité, sans accès aux soins, sans droit au travail officiel, et dans une peur permanente d’être arrêtés.
Le gouvernement américain tente de renforcer les contrôles d’entrée et de sortie, tout en encourageant la coopération avec les pays d’origine. Au Bénin, le gouvernement vient de décider de mener des actions de sensibilisation pour expliquer les risques d’un tel choix. Cela suffira-t-il pour rassurer le gouvernement de Donald Trump?
En réalité, le Bénin a été mentionné à plusieurs reprises dans les rapports du Département d’État américain comme un pays à surveiller en matière de coopération migratoire. L’une des raisons principales tient aux retards répétés dans la délivrance de documents de voyage pour les ressortissants béninois faisant l’objet d’une expulsion. En d’autres termes, lorsque les États-Unis souhaitent rapatrier des citoyens béninois en situation irrégulière, les autorités béninoises ne délivrent pas toujours rapidement les laissez-passer consulaires nécessaires. Cette absence de coopération est perçue comme un obstacle à l’application des lois migratoires américaines.
Retirer le Bénin de cette liste noire ou rouge est sans doute une bonne issue pour la crédibilité du pays. Mais, la meilleure solution consiste à travailler à l’interne afin d’éradiquer les raisons qui poussent de nombreux citoyens à vouloir à tout prix vivre ailleurs que chez eux. Et cela dépend, non des Etats-Unis ou d’un autre pays, mais des autorités béninoises qui, depuis les indépendances, ont échoué à créer les conditions de prospérité économique qui inciterait à rester sur place.
Pierre MATCHOUDO