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Il y a 10 ans: Alphonse YEMADJE…

Alors que le soleil passait à l’autre bout du monde le vendredi 29 Juin 2012, le ciel recouvre une couleur sombre qui annonce un événement. Le décès de l’une des grandes figures de l’art plastique au Bénin. Alphonse YEMADJE. Sous le couvert de son imagination créatrice, l’homme a révélé Abomey, sa ville natale, le Bénin et l’Afrique à travers un style particulier, les étoffes tissées dans la partie ouest et septentrionale du pays, le ‘’Botoyi’’. Ce jour, Mercredi 29 Juin 2022, cela fait dix(10) ans que l’illustre disparu est passé à l’autre côté du rideau.

Les larmes sont séchées, mais l’oubli résiste et transperce toujours le temps. Comme une tache indélébile, l’artiste vit et sans relâche dans le cœur des Béninois, Africains et occidentaux à travers ses œuvres. La chaire a cédé place à une nouvelle entité, l’âme. Cette dernière continue de maintenir en vie Alphonse YEMADJE. L’artiste n’a jamais connu la mort si ce n’est la première couche de la vie, le vécu physique, sinon, il vit toujours. En témoigne les nombreuses tentures de l’illustre artiste qui se retrouvent actuellement dans plusieurs musées du monde, notamment : le musée de Quai Branly, le musée de l’Homme (Paris/France) et le musée de Brasilia (Brésil) et autres, Etats-Unis, l’Angleterre, des pays d’Outre-mer sans oublier de grandes universités dans le monde. Dans un passé récent, Alphonse YEMADJE a ressourcé l’histoire de la cité Kpassè(Ouidah) à travers des vestiges sortis des terres. Trop discret dans son pays le Bénin, Alphonse Yémadjè est très connu dans le monde de par ses toiles. Descendant direct des artisans royaux d’Abomey, il s’est invité dans le sanctuaire des toiles d’Abomey dès son jeune âge aux côtés de son géniteur Hêmadou Yémadjè. Les tapisseries (les appliqués) en général constituent en fait, des éléments fondamentaux dans la culture Fon. Elles commémorent des événements majeurs et servent d’appui à tous ceux qui, faisant recours à la tradition orale, tiennent à garder vivante la mémoire collective. Ainsi, après quelques années à Abomey, l’artiste finit par s’installer à Cotonou en 1942.

Fervent défenseur de la France, remercié en monnaie de singe

Avant de se consacrer définitivement à l’art plastique, Alphonse Yémadjè a été enrôlé dans l’Armée française comme «Tirailleur sénégalais ». Il a participé à plusieurs opérations de guerre dont celle de 1946 en Indochine, aujourd’hui ‘’Vietnam’’. L’Ancien combattant de l’Armée française a pris part à la sanglante bataille de Diên Biên Phu qui a vu la défaite de la France en 1954. La surface du camp ayant considérablement diminué au cours du mois d’avril, une part de plus en plus importante du ravitaillement parachuté tombe chez l’ennemi. Du côté français, le manque de munitions devient très préoccupant, en particulier pour l’artillerie, et la situation sanitaire tourne à la catastrophe, avec des centaines de blessés entassés dans les différents postes de secours. L’assaut final est lancé le 1er mai au soir, précédé d’une préparation d’artillerie extrêmement intense qui dure trois heures. Les divisions 312 et 316 attaquent la face Est du camp retranché, la 308 la face Ouest. L’artillerie et l’infanterie françaises n’ont plus les moyens ni les effectifs suffisants pour faire face à cet assaut massif et généralisé. « Éliane 1 » tombe dans la nuit du 1er et seuls quelques éléments du II/1er RCP, l’unité qui tenait la position, parviennent à s’en échapper vivants. « Dominique 3 » et « Huguette 5 » tombent à leur tour dans la nuit du 2. Entre tous ces événements, Alphonse Yémadjè triomphe de la mort. Très doué à la radio, il a sauté la mine sur le champ de bataille. Plusieurs semaines durant en comas, il prend le dessus sur la mort. Bien après, il a aussi participé aux opérations de maintien de paix en Algérie. Détenteur de la médaille commémorative de la guerre d’Indochine, de la médaille coloniale, celle des volontaires et enfin la médaille commémorative de la guerre d’Algérie, il a été un fervent défenseur de la France, mais remercié en monnaie de singe par la France. Une pension dérisoire perçue des années durant pour répondre aux besoins vitaux de toute une famille, le regret creuse le trou à la maladie en 2021. Il eût la vie sauve, mais entre 2010 et 2012, il lutta contre un mal de santé qui finit par l’emporter le 29 Juin 2012 au Centre National Hospitalier et Universitaire (CNHU-HKM).

Retour aux sources, c’est mieux mais…

Très attaché à ses origines, Alphonse Yémadjè a eu ses heures de gloire quand, suivant les conseils de M. Chevalier, un responsable de l’Office national de l’artisanat et de l’hôtellerie (Onatho), actuel Centre de Promotion de l’Artisanat (CPA) pendant la période révolutionnaire. En retournant à la source, il reprit la tradition ancestrale des cotons tissés, alors que les tissus importés (les «Boussac ») s’étaient imposés dans l’artisanat des «appliqués». L’artiste reçoit le diplôme d’honneur de la foire de l’Indépendance de Cotonou en 1974 sous le Général Mathieu Kérékou.
Les qualités de ses tentures et le doigté de ses applications lui ont permis d’être repéré par Dominique Mondoloni, Directeur de l’Opération de Lecture Publique au Bénin dans les années 1994 pour un projet dédié à l’illustration des Fables de la Fontaine. La France devrait commémorer le tricentenaire de la mort du fabuliste Jean de la Fontaine en France en 1995. Après une sélection effectuée sur le tout continent africain, le choix a été porté sur deux Béninois, venant de la même collectivité, ‘’YEMADJE’’. Il s’agit de Alphonse YEMADJE et Julien YEMADJE. La vingtaine de tableaux réalisés interprètent un dialogue culturel entre l’œuvre du fabuliste français et l’imaginaire de l’artiste béninois. Le chef-d’œuvre fit le tour de la France et du monde et recueille de grands succès. Mais dans son propre pays, l’artiste n’a jamais bénéficié d’un soutien particulier de ses dirigeants. Car, l’artiste et l’art étaient considérés jadis comme des moins que rien, des farfelus, bref des fous, des indigents, bref, ceux qui mélangent la vie négativement.

Soglo célèbre Alphonse YEMADJE, Talon révèle le Bénin

Plusieurs expositions ont été réalisées et ont connu un grand succès dans des universités, écoles et centres de loisirs français. Les appliqués d’Alphonse Yémadjè figurent en bonne place dans plusieurs musées dans le monde. Les toiles du digne fils du Bénin sont toujours inspirées par la culture de sa terre natale. Ce qui a suscité l’admiration des diverses délégations présentes à Cotonou en 1995 lors du 6ème Sommet de la Francophonie. Les Chefs d’Etat et de Gouvernement sont repartis chacun dans leur pays respectif avec les toiles appliquées des fables. En reconnaissance aux loyaux services rendus à la nation, Alphonse Yémadjè a été élevé au grade de Chevallier de l’Ordre du mérite du Bénin par le Président Nicéphore Soglo en décembre 1995. C’est un trou qui est fermé. Depuis 2016, le Président Patrice Talon a accordé une place de choix à l’art, la culture et le tourisme pour révéler le Bénin au monde entier. La preuve évidente, c’est le retour orchestré des objets d’art d’hier restitués par l’Etat français grâce au management du Président Patrice Talon. Il faudra immortaliser l’artiste au regard de son caractère de vrai ambassadeur à travers l’art plastique.

Beauséjour Ouanilo

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