Hôpitaux publics : Toujours des grincements de dents

La bonne volonté du gouvernement de la rupture se heurte aux réalités socio-économiques et tendances lourdes du milieu hospitalier. Malgré les réformes initiées, le secteur de la santé peine, semble-t-il à combler les attentes des populations béninoises. Un cas vient mettre à topo certaines lacunes dénoncées par l’opinion.
Dès l’avènement du gouvernement de la rupture, des efforts se font pour améliorer le plateau technique, les infrastructures sanitaires et les conditions de travail et de vie du personnel médical et paramédical. On peut, entre autres, noter l’installation de scanner ultramoderne au Centre national hospitalier et universitaire (Cnhu) Hubert Koutoukou Maga de Cotonou, la construction du Centre hospitalier international de Calavi (Chic) ou encore l’équipement des hôpitaux de zone. A ces infrastructures il faut ajouter les réformes de l’assurance maladie obligatoire (en cours d’expérimentation) ou du projet Arch (en attendant sa généralisation). Mais apparemment, les faits montrent que la rupture est loin du compte. Ça grogne toujours au sein de la population, notamment les patients et leurs parents. A en croire des personnes interrogées, il y a l’impression que beaucoup de chose clochent dans les centres de santé et hôpitaux du pays
Un accueil souvent froid et impersonnel
Pour de nombreux patients, le premier contact avec le personnel hospitalier est souvent une source de stress supplémentaire. Les témoignages abondent sur des agents d’accueil peu aimables, voire irrespectueux, qui semblent insensibles à la détresse des malades. « Quand vous arrivez à l’hôpital, vous avez l’impression de déranger. Personne ne vous sourit, personne ne vous explique clairement ce qu’il faut faire », raconte une patiente rencontrée devant un hôpital de Cotonou. Cette froideur dans l’accueil est d’autant plus difficile à accepter que les patients sont souvent déjà dans un état de vulnérabilité physique et émotionnelle. Pour certains, cette attitude renforce le sentiment d’être considéré comme un numéro plutôt que comme une personne ayant besoin de soins et de compassion. Outre l’attitude du personnel, les patients se plaignent fréquemment des retards dans la prise en charge. Les longues heures d’attente, parfois sous un soleil de plomb ou dans des salles surpeuplées, sont monnaie courante. « Je suis arrivé à 7 heures du matin avec mon enfant pour le nettoyage de sa plaie et je n’ai été reçu par un médecin jusqu’à 14 heures. Pendant tout ce temps, personne ne m’a expliqué pourquoi c’était si long », témoigne un père de famille venu en consultation avec son enfant. Ces retards, explique un autre patient qui a vécu presque la même scène après avoir subi un accident de circulation « sont souvent liés à une mauvaise organisation et à un manque de personnel qualifié. Les infirmières et les médecins sont souvent débordés, ce qui affecte la qualité de l’accueil et des soins prodigués. Les patients, déjà anxieux, se retrouvent ainsi confrontés à une attente interminable sans aucune information claire sur le déroulement des consultations ».
Le manque d’infrastructures adaptées
Malgré les efforts du gouvernement pour améliorer le système de santé, l’accueil des patients semble rester une priorité secondaire. Pourtant, un bon accueil est essentiel pour instaurer un climat de confiance entre les patients et le personnel médical. Les conditions matérielles dans lesquelles se déroule l’accueil des patients sont également problématiques. Dans de nombreux hôpitaux, les salles d’attente sont vétustes, mal entretenues et insuffisamment équipées. Les patients doivent souvent s’asseoir à même le sol ou debout, faute de places assises suffisantes. « Il n’y a même pas de ventilateurs dans la salle d’attente. Avec la chaleur, c’est insupportable », déplore une mère venue faire vacciner son enfant. Ces conditions difficiles ne font qu’ajouter à la souffrance des patients et de leurs accompagnants. Le manque d’hygiène et de confort dans certains établissements contribue également à la mauvaise image des hôpitaux béninois
Hôpital public, plus coûteux pour les démunis ?
C’est l’avis du grand nombre. « Plus rien n’est gratuit dans nos hôpitaux. C’est mon constat. Si tu as une plaie à soigner, c’est à toi-même de payer la compresse, les bandes et les autres produits pour les soins. Sans parler des ordonnances qu’on te tend régulièrement » explique un quinquagénaire tenant un sachet contenant des produits pharmaceutiques en main. « Avec ça, je me demande ce que l’État fait pour nous, puisque nous payons les pansements et les frais d’hospitalisation. Trop c’est trop » râle-t-il avant de démarrer sa moto pour se fondre dans le tohu-bohu de Cotonou.
La réforme des hôpitaux pointée du doigt
Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du système de santé, la situation sanitaire au Bénin se porte tant bien que mal. Si les grèves perlées sans service minimum ont cessé, tout n’est pourtant pas rose. D’autres maux ont émergé et font objet de récurrentes dénonciations des citoyens. On note par exemple la rétention de patients guéris mais qui, faute de moyens financiers, trainent dans la cour des hôpitaux ou la confiscation de corps de défunts pour non-paiement de facture d’hospitalisation. Il y a quelques années, le 2e adjoint au maire de Cotonou a dû sortir l’argent de sa poche pour régler l’addition de quelques patients. Si cela se résumait à ces actes, on pouvait comprendre mais d’autres couacs sont notés dans la pratique des agents de santé.
La dernière scène en date. L’image d’une femme dont le ventre présente plusieurs points de sutures mal ficelés défraie la chronique. Selon l’ONG, lanceuse de l’alerte, il s’agit d’une jeune dame décédée suite à une césarienne réalisée dans un centre de santé de la commune d’Abomey Calavi. Un cas qui a tôt fait de relancer le débat sur la précarité de la prise en charge des patients dans les structures sanitaires publiques du pays. C’est à croire que certains agents de santé agissent de la sorte pour ternir l’image du gouvernement. Dès lors des voix s’élèvent pour interpeller le Ministère de la santé et par ricochet l’État béninois pour l’amélioration du plateau technique des hôpitaux afin de remédier à ces fâcheuses situations.
La REDACTION