Fusions, mariages, intégration, dissolutions… le lexique politique béninois ces derniers temps est devenu riche en vocables destinés à maquiller la transhumance politique pourtant décriée par tous et censée ne plus être de mise depuis la réforme du système partisan en République du Bénin. Un mal que le Bénin traîne depuis la restauration de la démocratie au début des années 1990.
L’ère des convictions politiques semble définitivement révolue au Bénin. Exit les idéologies évoquées par les fondateurs des premiers partis du renouveau démocratique telles que la social-démocratie, le libéralisme et même le communisme. Déjà à l’élection présidentielle de 1996, les principaux acteurs se sont retrouvés faisant abstraction de leurs convictions idéologiques pour faire échouer le président Nicéphore Soglo qui tentait de briguer un second mandat.
Désormais sans conviction idéologique, les politiciens basent leurs actions sur des intérêts personnels ou régionaux plutôt que sur une ligne de pensée cohérente. « On ne dit jamais non à un chef quand bien même il n’a pas raison ; il faut plutôt voir comment y trouver son propre intérêt », disait un cadre de l’administration en parlant de son ministre de tutelle. Cette mentalité traduit la triste réalité qui prévaut également dans la sphère politique.
Daga 1990 a 2016, le Bénin comptait plus de 150 partis politiques pour une population d’environ 10 millions d’habitant. Chaque citoyen capable de rassembler quelques personnes, de les nourrir pour une journée, pouvait créer son parti politique surtout lorsqu’il ne trouve plus son intérêt dans la formation au sein de laquelle il militait. Cela permettait de s’adonner à la transhumance au Parlement, en quête de postes politiques et d’espèces sonnantes et trébuchantes.
Avec quelques réserves, toute la classe politique était d’accord avec le principe de réforme du système partisan initié par le président Patrice Talon. Toutes abstractions faites des réserves de l’opposition qui se voyait visé en certains aspects, cette réforme était perçue comme une manière de mettre un terme à la ballade et au chantage politique. A ƙarshe, était-on convaincu, le Bénin allait se doter de véritables partis et surtout des partis stables.
Kara, ce qui se passe à quelques mois des élections législatives de janvier 2023 laisse conclure que la réforme tant saluée n’est en fait pas la solution au mal béninois. Comme le cadre de l’administration, les acteurs politiques ont analysé la réforme de près et ont trouvé les failles qu’elle comporte. Et maintenant, ils ont commencé à exploiter ces failles à leur profit.
Déjà bien avant la fusion du PRD et de l’Union Progressiste en août 2022, des partis ont commencé à trembler, parmi lesquels le Bloc Républicain pourtant créé par le président Talon pour soutenir ses actions. En cause, le positionnement lors des législatives prochaines. Le responsable du parti, pourtant qualifié de bon gestionnaire par les militants, s’est subitement vu attribuer des qualificatifs discréditant ses capacités de bon leader.
Daga, c’est le chamboulement dans presque tous les partis. Le dernier cas est cette grosse prise de l’UP Le Renouveau –parti vraiment en vogue- qui a réussi à pêcher dans les eaux de l’opposition. Et un peu partout, des menu-fretins ont claqué les portes de leurs partis, dénonçant leurs responsables dont ils se sont pourtant accommodés pendant des années.
Des réformes pour rien ? A quand la stabilisation de la classe béninoise ? La question reste posée et rien ne permet d’envisager une solution dans un proche avenir.
Damien TOLOMISSI