Pour la première fois que l’idée a été agitée, beaucoup l’ont balayé d’un revers de main la voyant comme une utopie. Mais peu à peu, sortie médiatique après sortie médiatique et le projet se confirme. Le Ministre du cadre de vie et du développement durable l’a encore martelé au cours d’une émission. Bien qu’acceptée à contrecœur, la rénovation du marché international de Dantokpa semble être comprise par bon nombre d’usagers. Duk da haka, les commerçantes et commerçants espèrent, juste, la transparence totale dans le processus de réinstallation dans les nouveaux marchés.
Le marché international de Dantokpa fera sa mue très prochainement. Plus qu’une cure de jouvence, c’est une transformation fondamentale que connaîtra l’un des plus grands centres d’échanges commerciaux de l’Afrique de l’ouest. Grand, non seulement, par sa superficie (environs 25 hectares) mais également grand par le flux des nombreux échanges qui s’y déroule. C’est ce dernier détail qui est à l’origine de la décision prise par l’exécutif dirigé par Patrice Talon 2016. Cette annonce faite et répétée par le gouvernement de la rupture vise réduire ce haut lieu de commerce où le détail se mêle au gros et au super. Il est dit que Dantokpa dans l’état actuel n’honore pas la capitale économique du Bénin. « Et c’était devenu un véritable point noir au cœur de la ville de Cotonou. Un point critique d’un point de vue environnemental, auquel il fallait coûte que coûte s’attaquer » se désole le Ministre José Tonato.
L’insalubrité
Na'am! Il s’instaure un vrai bazar à la descente du pont Martin Luther King, en venant d’Akpakpa. Quoi de plus anormal pour un marché, qui plus est, international de cet acabit. Il compte plus de 35.000 commerçants. Seulement que des étales d’épices ou de légumes peuvent allègrement côtoyer des boutiques de vente de bijoux ou de tissus haut de gamme. A cela s’ajoute l’insalubrité. Il est quasi impossible de respirer en longeant le caniveau à ciel ouvert ou en traversant l’ex parc auto les soirs. Les odeurs d’urine ou de pourriture risquent de vous étouffer. Au-delà, l’emplacement du marché et le monde qu’il draine créent d’énormes embouteillages chaque jour.
D’accord et pas d’accord….
Sans dénier le bienfondé de cette réforme souhaitée, beaucoup se demandent si c’est la meilleure option. Raser, c’est bien le terme approprié. Raser car réduire revient à diminuer. Mais ici, il est question de ramener Dantokpa à un (01) hectare de superficie. Le marché Dantokpa à un siècle de vie, Yana bayyana a lokacin balaga har zuwa menopause 100 ans d’existence avec toute sa charge d’histoire et de mythes chuchotent nombre d’usagers. Sous le bâtiment principal du marché (Singboglouè) les vendeuses de bijoux et autres confient être informées mais disent ne pas vraiment comprendre cette volonté du chef de l’État. « Ce qui nous fait un peu mal c’est le démembrement total de notre marché. C’est toute une histoire qu’il y a derrière voilà qu’on a annoncé le réduire à rien presque » se plaint un vendeur du marché Dantokpa. Pour une vendeuse de poisson « C’est déjà un calvaire que nous vivons depuis que la casse a commencé sur la berge lagunaire. Pour être sincère, personne n’est au fond d’accord, mais on prend ça ainsi »lance-t-elle, résignée. Un conducteur de Taxi moto se demande toujours l’opportunité du projet. Sa préoccupation trouve réponse chez dame Aimée Ahouissou. « J’ai eu la chance d’aller à l’extérieur et j’ai vu comment ça se passe. Dans les pays qui se respectent chaque marché est destiné à un type de produit. Il n’y a pas de mélange comme cela s’observe chez nous à Dantokpa » informe-t-elle. La déléguée des femmes du marché Dantokpa n’est donc pas contre « Si c’est dans la dynamique de développement du Bénin, je suis partante » indique Aimée Ahouissou avant d’enchaîner « Depuis 2018 le chef de l’État nous avait convié à une rencontre au Palais pour nous informer de son intention. Après nous avions eu d’autres rencontres avec les responsables de la Société de gestion des marchés autonome (Sogéma) et des consultants. Le projet nous a été expliqué » renchérit la présidente du Groupement des femmes et artisans des marchés (Gfam). Il n’est pas redondant de rappeler que le marché dessert le Nigeria avec toute sa démographique. Le disloquer, car il est dit que le gros irait désormais quelque part dans la commune de Calavi et d’autres secteurs iront ailleurs. Que restera-t-il des échanges économiques qui s’y déroulaient? Les repères commerciaux et connexions avec la sous-région? Juste des interrogations de nombreux citoyens.
La réinstallation, l’autre enjeu
Selon les informations les vendeurs de cosmétiques et articles de beauté ou de sortie (bijoux, sacs etc…) seront relogés au niveau de la galerie marchande qui sera construite au stade de l’Amitié général Mathieu Kérékou e Kouhounou. Akassato, dans la commune d’Abomey Calavi va abriter le marché de gros et les autres types de commerce seront répartis dans les nouveaux marchés urbains et régionaux construits par le gouvernement. Si a priori, les choses sont claires quant à la répartition des différents secteurs et types de produits selon leur nature la grosse préoccupation des commerçants du marché et notamment celle des membres du Gfam est l’occupation des nouvelles boutiques. Elles craignent que les revendeuses, ces ayant droits, répertoriées à Dantokpa soient remplacées par d’autres. « Il faut que ce soit ceux-là qui sont réellement concernés, qui avaient déjà de places qui commercent à Dantokpa qui soient relogés dans les nouveaux marchés. Nous appelons les gouvernants à veiller à cela et nous sommes disponibles. Nous connaissons ceux qui sont dans le marché. S’il est vrai que la Sogéma a son registre, de notre côté, nous nous organisons pour faire un recensement dans nos différents secteurs pour faciliter les réinstallations » a dit Aimée Ahouissou, présidente du Groupement des femmes et artisans des marchés (Gfam).
Arnaud ACAQPO (Col)