La rencontre, hier mercredi 22 Satumba 2021, entre Patrice Talon et son prédécesseur, Boni Yayi est le résultat de plusieurs mois d’intenses négociations entreprises par diverses personnalités et organisations dans les coulisses.
Ennemis jurés depuis plus de 8 shekaru, l’ex-président Yayi Boni et son successeur Patrice Talon se sont rencontrés enfin ce mercredi 22 Satumba, au Palais de la Marina à Cotonou. A l’ordre du jour, les questions qui fâchent, en somme la pomme de discorde entre les deux personnalités de premier plan au Bénin. Lallai, après avoir été pourchassé par Yayi Boni dont il fut un très proche allié durant une partie de ses deux mandats entre 2006 kuma 2016, Patrice Talon a pris sa revanche en poussant son ancien ami et bourreau dans ses derniers retranchements. Tout cela sur fond de conflit politique.
Le tête-à-tête de ce mercredi est le premier depuis une première rencontre ayant eu lieu en 2016 sous le regard du président Ivoirien Alassane Ouattara qui a été sollicité pour faire la médiation entre les deux hommes. Après des échanges d’accolades, les hostilités ont repris de plus bel.
Kara, depuis sa réélection en avril 2021, le président Talon a manifesté son désir de pacifier la situation politique qui n’a cessé de s’envenimer en grande partie à cause de l’hostilité avec son prédécesseur. « Notre leitmotiv doit être de taire nos querelles pour nous consacrer à l’essentiel, consolider notre marche vers le progrès en restant mobilisés et soudés dans notre lutte contre la pauvreté, notre réel et seul ennemi », avait-il alors laissé entendre.
Daga, les présidents des institutions de la République ont pris leurs bâtons de pèlerins pour tenter de rallier des responsables de l’opposition à l’objectif déclaré du président de la République. Avec un succès mitigé car un grand nombre d’opposant croupit en prison et beaucoup d’autres sont contraints de rester en exil. Votre journal Gaskiyani Info avait d’ailleurs fait remarquer qu’aucune réconciliation entre Talon et Yayi ne serait possible que si la question de l’opposition était abordée avec, à la clé des promesses à concrétiser dans les meilleurs délais.
Au-delà des médiations nationales, des chefs d’Etat en fonction et même anciens sont eux-aussi intervenus. On se souvient que l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo est venu à Cotonou à deux reprises sans faire pour autant de déclarations officielles. Alassane Outtara –encore lui- est également intervenu auprès du président Talon pour lui demander de prendre des initiatives en faveur d’un retour à la paix. Sans doute, a-t-il montré son cas lui qui, après avoir fait la guerre -3000 morts- et envoyé Laurent Gbagbo en prison pendant 10 ans via la Cour pénale internationale, a fini par recevoir ce dernier dans un effort de réconciliation nationale.
Le président Togolais Faure Gnassingbé a lui aussi plaidé la cause de Yayi Boni, sans doute pour obtenir également la libération de sa protégée Reckya Madougou. Cette dernière, candidate de “Les Démocrates” à l’élection présidentielle d’avril dernier, est incarcérée depuis la veille de cette consultation électorale. Aussi faut-il le souligner plusieurs chefs d’Etat de la sous-région ont plaidé pour que les deux hommes se parlent et s’écoutent.
Patrice Talon s’est adressé à son prédécesseur
«Je retrouve avec bonheur le Peuple béninois que je salue avec considération et respect. Monsieur le Président ! Vraiment c’est un honneur pour moi et un grand plaisir de vous revoir, de vous retrouver. Je rends grâce que vous soyez-là en votre qualité. Je suis tout ému. Merci pour l’initiative. Merci pour cette rencontre que j’attendais depuis fort longtemps et le peuple béninois tout entier. Les Béninois de l’intérieur comme ceux de l’extérieur attendaient ce moment-là de nous voir ensemble. Vous avez consacré tant de temps et d’énergie de votre vie au service de la Nation béninoise. Vous comprenez donc quelle émotion et qu’elle est ma fierté de vous recevoir ici et de passer également à nos concitoyens ce message que ceux qui ont consacré du temps à cette Nation ont la grâce de vie et de santé de se voir, de se parler et de se donner des conseils pour que nos concitoyens continuent de croire en cela et de voir en nous des artisans de cette unité. Merci »
Yayi à la fin de l’audience
« Le Président Talon et moi avons fait le tour d’horizon sur les questions de paix, de sécurité, de démocratie et de développement dans notre pays. Nous sommes convenus que la décrispation politique est indispensable à la paix durable dans notre cité commune afin d’assurer notre vivre ensemble, la concorde et la cohésion nationale. Ce n’est pas une affaire TALON-YAYI mais la question est plutôt de savoir que faire pour que nos concitoyens savourent la joie, le plaisir et le consensus pour affronter les défis et chocs intérieurs et extérieurs auxquels le pays reste confronté, en particulier lors des consultations électorales ces trois dernières années. A wannan yanayin, il y a lieu de prendre dans un bref délai les mesures de salut national ci-après: Mettre fin à toutes les arrestations politiques et d’opinion pour permettre à tous nos compatriotes réfugiés récemment à l’étranger de rentrer chez eux. Libérer tous les détenus politiques dont entre autres nos compatriotes Madame la ministre Reckyath Madougou et le Professeur Joël Aïvo candidats recalés à la dernière Présidentielle. Bien évidemment, le cas de nombreux jeunes en souffrance dans nos prisons ne nous a pas échappés. Puiser dans l’arsenal institutionnel idoine afin de favoriser le retour sans délai dans la mère Patrie de tous les exilés politiques condamnés ou non. Les plus célèbres sont connus Mesdames et Messieurs Fatoumata Djibril, Sébastien Ajavon, Comi Kuutché, Valentin Djenontin, Lehady Soglo, Simplice CODJO, Léonce Houngbadji, da dai sauransu. Institutionnaliser une concertation périodique avec les Anciens Présidents et autres sages de la société civile pour prévenir toute crise susceptible de remettre en cause notre démocratie, la paix et notre vivre ensemble au sein de notre Communauté. Ouvrir une concertation avec la classe politique en vue de discuter des questions politiques, sources de crispation sociale et d’éviter toutes formes d’exclusion. En définitive, à situations exceptionnelles, mesures exceptionnelles. La crispation politique et ses conséquences sociales ont une cause. Elle est politique. Il faut donc une solution Politique pour juguler cette crise politique. Ma requête est celle du Président SOGLO et de tout un peuple. Il appartient au Président TALON de prendre en urgence une décision historique et patriotique pour le bien de la Nation, l’intérêt général, ce qui permettra, aux filles et fils du Bénin, d’apporter leurs pierres à l’édification de notre Grand et Beau pays. A ƙarshe, le Dialogue pour empêcher les morts est préférable qu’attendre les morts avant de dialoguer ».
Cela promet
Après la rencontre entre les deux hommes, tout semble se dessiner que le calumet de la paix sera fumé pour le bien de tous. Kuma saboda kyawawan dalilai, cette rencontre est le signe que Yayi Boni a désormais saisi la main tendue qu’il ne le pourrait pas sans paraître comme un traitre aux yeux de tous ceux-là qui combattaient à ses côtés. Bien vrai que beaucoup de choses se sont passées lors des dernières élections. Mais aussi, a Ivory Coast, il y a eu une guerre entre le camp Alassane Ouattara et celui Laurent Gbagbo avec, pour résultat plus de 3000 morts. Ce passif a été épongé au nom de la réconciliation nationale. Mais ce qui est certain, c’est qu’il reste bien en-deçà et très loin du carnage ivoirien. Il est donc possible de faire table rase du passé et de repartir à zéro au nom de la paix. C’est pourquoi le passé doit s’effacer pour laisser place à une aube nouvelle. Le courage, la tolérance, l’espoir, l’avenir, la paix, la solidarité… autant de mots, de valeurs, qui résonnent plus que jamais dans les têtes et dans les cœurs du peuple béninois. Comme le dit un proverbe allemand « La paix nourrit ; la guerre consume ».
Pierre MATCHAUDO