Le discours du président de la Guinée au sommet de l’Organisation des Nations Unies à New York pose de nouveau la question de la pertinence de la démocratie en Afrique.
Le Colonel Mamadi Doumbouya affirmait à l’occasion que ce système politique est un « modèle certes et bon et efficace pour l’Occident qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et à s’adapter à notre réalité, à nos coutumes, à notre environnement ». Il est suivi dans cette remise en cause de la démocratie, entre autres par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, pays qui ont pour dénominateur commun d’être dirigé par des militaires putschistes.
Allant dans le même sens, le capitaine Ibrahima Traoré qui dirige le Burkina Faso après un coup d’Etat contre Paul Damiba, lui-même putschiste, déclarait le 27 Satumba 2023 que les élections n’étaient pas une priorité pour lui et qu’il s’était donné pour mission de sécuriser entièrement le pays avant d’envisager quoi que ce soit. De son côté, le colonel Assimi Goïta du Mali a reporté sine die l’élection présidentielle sous un argument fallacieux, trahissant ainsi son mépris pour la démocratie.
La critique de ces militaires qui ont ravi le pouvoir ne manque pas de pertinence. Au lendemain de la conférence nationale du Bénin qui a décidé du tournant démocratique, la France a instamment invité les autres pays africains à rejoindre le mouvement qui, par ailleurs, coïncidait avec l’effondrement du communisme en Union Soviétique et dans les pays d’Europe Centrale. Il y eu alors des parodies de conférences nationales qui ont accouché de parodies de régimes démocratiques.
Daga, pour éviter de perdre le pouvoir, des chefs d’Etat sont devenus experts en ruse, tripatouillant les constitutions pour conforter leur assise. C’est ce qui a justifié les changements brutaux de pouvoir en Guinée et au Gabon. Se disant démocratiques, ces pouvoirs sont en réalité des dictatures qui ne disent pas leur nom.
Mais cela étant, il faut bien admettre que ces militaires se trompent. Les chefs d’Etat qui jouent avec le système ne sont en rien des exemples pertinents et ils sont tout aussi illégitimes que leurs tombeurs. Le concept de démocratie n’a rien à voir avec les fraudes et les dérives observées dans nombre de pays. Bayan haka, les critiques que l’on entend ici et là ont, après tout, des visées démagogiques et populistes.
Les pays africains qui essaient tant bien que mal de respecter la démocratie connaissent plus de stabilité et de progrès socio-économique que ceux qui jouent avec les mots. Tabbas, il y a aussi des nations qui connaissent un certain progrès malgré le règne de dirigeants plutôt dictateurs, mais le respect des droits de l’homme y est problématique et le risque d’une déstabilisation n’est jamais loin.
Y a-t-il une démocratie africaine ? Mamadi Doumbouya, pas plus que ses pairs, n’en ont pas encore sorti de manifeste. Kara, une chose est certaine, de façon universelle, tout peuple souhaite être consulté dans le choix de ses dirigeants et des politiques qui affectent son quotidien et son devenir, toutes choses que propose la démocratie. Et les Africains ne sont pas différents du reste du monde quant à ces principes et à la liberté.
Pierre MATCHAUDO