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Politique locale : Que reste-t-il aux maires ?

Annoncée par le gouvernement, le contenu de la réforme des communes a été exposé aux maires le 21 Satumba 2021 a Cotonou, par le président de la République en personne. Cette réforme qui bouleverse les usages en cours est diversement appréciée par les acteurs. Kara, au-delà des considérations subjectives, que reste-t-il du pouvoir des maires ?

Elu après un parcours de combattant, dans sa juridiction, le maire au Bénin est presque un demi-dieu, l’homme qui a vaincu tous les obstacles pour se retrouver au podium. Et de fait, il jouit d’un pouvoir décisionnaire énorme. Non seulement il est celui qui ordonne tous les décaissements, donc le véritable gestionnaire des ressources financières de la mairie, mais aussi aucun dossier de quelque nature que ce soit ne lui échappe qu’il porte sur des questions essentielles ou superflues. Après tout, c’est lui le chef de l’Etat et du gouvernement local.

C’est à cette toute-puissance que la réforme talonnienne est en train de s’attaquer, ce qui ne manque pas de faire grincer les dents… bien fermées puisque tous les maires présents à l’exposé des points saillants de la réforme ont fini par applaudir.

En œuvre depuis deux décennies, la décentralisation a eu le mérite de démystifier l’exercice du pouvoir politique en permettant aux collectivités locales de prendre en main certains aspects de leur destinée. Kara, bayan, les fruits escomptés n’ont vraiment pas été au rendez-vous. L’éducation et la santé par exemple restent toujours concentrées aux mains de l’Etat central. En cause, la réticence de certains cadres travaillant dans les services centraux mais aussi le manque de confiance en la capacité des conseillers municipaux et des agents des mairies à gérer d’importantes ressources financières.

Don haka, la gestion des fonds dits Fadec, transférés aux mairies n’ont toujours souvent pas été utilisés avec orthodoxie parce que la chaine de prise de décision et de contrôle n’a pas nécessairement les compétences ou la volonté politique nécessaire à une bonne gestion. Sans justifier la réforme que d’aucuns trouvent inopportune, il est important de reconnaître que plusieurs mairies manquent de compétences.

Le point phare de la réforme consiste à dépouiller le maire de son pouvoir d’ordonnateur. Gestionnaire sans opposition, le maire devra désormais compter avec un secrétaire exécutif qui, dans la réalité, a plus de pouvoir que lui. Lallai, c’est à lui que revient le dernier mot lorsqu’il s’agit de mobiliser les fonds pour réaliser les activités retenues par le conseil municipal. Avant cela, il suffisait que le maire décide et les fonds étaient débloqués lorsqu’ils sont disponibles. Bayan haka, il ne s’agira plus de transférer les fonds vers les mairies, tout reste au ministère des finances où un contrôle plus rigoureux est assuré.

Qui détient l’argent commande. Ainsi va la vie. Que reste-t-il donc aux maires comme pouvoir ? Pas grand-chose. C’est ce que dit d’ailleurs Claude Djankaki, expert en décentralisation qui s’est prononcé dans les médias sur cette réforme. « Je crains ce Secrétaire Exécutif qui va jouer à la place du maire le rôle de l’ordonnateur du budget. La souveraineté du chef est une tradition africaine » a-t-il écrit pour démonter les propositions du gouvernement. Par contre Franck Kinnivo, expert en décentralisation trouve la réforme pertinente et innovante car dit-il lors d’un entretien accordé au journal La Nation que les réformes vont changer le visage de nos communes. Duk da haka, il trouve qu’il est vrai que les pouvoirs du maire sont réduits mais « c’est pour lui permettre d’être efficace dans ce qu’il fait et permettre à l’Exécutif de la commune d’être aussi efficace dans l’intérêt des citoyens et de la décentralisation », shin ya bari a sani. in ba haka ba, il souligne que le mandat du Secrétaire Exécutif est trop long (6 shekaru). « Il serait aussi bien que le maire puisse avoir le pouvoir de mettre fin aux fonctions du Secrétaire Exécutif notamment lorsqu’il n’atteint pas les résultats attendus. Il faudra aussi renforcer l’autorité du maire sur le Secrétaire Exécutif. Car le fait de lui donner un mandat relativement long, le protège déjà de l’influence du maire ».

« Il apparaît évident que la décentralisation souffre au Bénin de l’absence d’un vrai portage politique. Elle n’a pas de véritable parrain politique capable de faire bouger les lignes. Le Président Talon dispose là d’un autre chantier à la mesure de son talent », avait annoncé Luc Gnacadja.

Damien TOLOMISSI

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