Depuis sa visite aux responsables des institutions de la République courant juin 2021, le chef de fil de l’opposition béninoise s’est muré dans le silence face à la gestion des affaires publiques par le gouvernement. Et pourtant, les sujets sur lesquels se prononcer ne manquent pas…
La cherté de la vie malgré les mesures gouvernementales, les questions de développement, la réalisation des promesses électorales, la situation des opposants emprisonnés ou en exil, la question des libertés… les sujets sont nombreux sur lesquels l’opposition a la possibilité d’interpeler le gouvernement et obtenir des avancées. En juin, lors de sa tournée dans les institutions de la République, Paul Hounkpè, le chef de fil de l’opposition a évoqué la situation des opposants privés de liberté mais depuis, aucune autre initiative ne semble avoir été prise pour marquer la différence d’avec le gouvernement.
La vitalité de la démocratie est tributaire du dynamisme de l’opposition. Véritable chien de garde veillant aux intérêts des gouvernés, celle-ci, tout en cherchant à conquérir le pouvoir, attire l’attention du pouvoir sur les potentiels abus et la mal gouvernance, offrant ainsi au gouvernement l’opportunité de revoir sa copie. Le dernier sujet de mauvaise gestion qui défraie la chronique porte sur l’immatriculation frauduleuse des véhicules par des responsables de l’Agence nationale des Transports Terrestres (Anat). Akan wannan batu, une opposition active devrait donner de la voie pour exiger que toute la lumière soit faite, ce qui n’est pas le cas.
Tabbas, il est de notoriété publique que l’opposition incarnée par le chef de l’opposition et son parti, la FCBE, est supposée plutôt « proche du pouvoir ». Du coup, elle est conciliante, tout le contraire de ce que font les responsables des autres partis, en l’occurrence Les Démocrates.
Et pourtant, la loi portant statut de l’opposition stipule que « les partis politiques de l’opposition bénéficient d’un accès équitable aux moyens officiels d’information et de communication » et qu’ils peuvent exprimer leur « opinion sur toute question d’intérêt national et sur toute décision du Gouvernement ». En tant que chef de fil de l’opposition, Paul Hounkpè bénéficie donc de la protection juridique nécessaire pour exprimer son désaccord sur les actions du gouvernement.
Le chef de l’opposition devrait d’autant faire son travail d’opposant que son parti bénéficie d’une large enveloppe financière au titre du financement des partis par l’Etat. Lallai, troisième formation active sur la scène et éligible pour ses sièges de conseillers communaux, le parti d’opposition Force Cauris pour un Bénin Emergeant a reçu un chèque de 103 537 192 francs en novembre 2020 à la Commission électorale nationale autonome. Sur le rôle assigné à la première figure de l’opposition, c’est tout sauf la participation à la mise en œuvre de la politique gouvernementale. La fonction de l’opposition, c’est de critiquer l’action de la majorité gouvernante et de préparer l’alternance politique. Il revient au chef de file de l’opposition de montrer à la face du monde qu’il n’est pas fabriqué par le pouvoir comme le clament certaines langues.
Pierre MATCHAUDO