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Joel Aïvo: Intellectuel, Trop intellectuel ?

Depuis quelque temps, Joël Aïvo parcourt le pays à la rencontre des acteurs politiques de toutes les couches sociales. Le professeur agrégé de droit constitutionnel, l’un des rares spécialistes de son domaine, ne cache plus son ambition politique : devenir le prochain président de la République.

Pierre MATCHAUDO

Porté par un mouvement, il a été l’hôte de plusieurs rencontres de jeunes et de têtes couronnées notamment dans le Couffo. A deux reprises, il a également organisé des téléconférences avec des Béninois de l’extérieur. A chacune de ces occasions, le message est le même. L’intellectuel devenu désormais homme politique se présente comme l’homme de la situation. Da 12 Satumba 2020 à Toffo, l’une des étapes de son périple national, Joël Aïvo a étalé son programme d’action politique qui se résume à quelques points saillants, notamment à la nécessité de sauver la démocratie, à l’amélioration des conditions de vie de la population et à la restauration de l’image du Bénin à l’international.

Kuma, pour le moment, dans l’entourage du président Talon, cette candidature de fait ne semble pas inquiéter, il reste qu’elle suscite quelques questions au regard du statut de son initiateur et de l’histoire politique du pays. Joël Aïvo est un intellectuel, l’un des plus en vue de son temps et l’un des rares spécialistes de son domaine. Il a contribué à faire avancer les institutions politiques de certains pays, ce qui fait que ses compétences ne sont pas à mettre en doute.

Qu’importe la pertinence ou la justesse de son analyse de la situation politique du pays , mais il est une constante que les Béninois ne votent pas souvent pour des programmes politiques mais plutôt contre un candidat, en l’occurrence, le Président de la République en place ou alors son dauphin. Ce fut le cas en 1991 lorsque Mathieu Kérékou avait tenté de se faire élire à la faveur de l’instauration de la démocratie. Cinq ans plus tard, c’est Nicéphore Soglo qui a échoué à se faire réélire malgré ses prouesses économiques. L’argument de l’électorat tenait à des considérations subjectives, loin de tout programme politique. A ciki 2006, l’électorat a voulu sanctionner l’ensemble de la classe politique en votant pour le néophyte Yayi Boni qui, à son tour, n’a pas pu convaincre les Béninois de choisir son dauphin dix ans plus tard.

Si donc Joël Aïvo peut ne pas se faire élire quand bien même il aurait proposé le meilleur programme politique qui soit, il lui reste une perche à enfourcher, le rassemblement des personnalités les plus influentes autour de sa future candidature. Ce qui n’est pas le cas, en tout cas pour le moment. Duk da haka, une chose est sûre, c’est qu’il poursuit son aventure en solitaire.

Kara, au-delà de ces considérations, c’est son statut qui risque de dissuader nombre de Béninois à lui faire confiance. Joël Aïvo est intellectuel, peut-être trop intellectuel pour pouvoir descendre au niveau de la masse que constitue l’électeur moyen. Comme le montre l’allégorie de la Caverne de Platon, il est difficile et dangereux de prétendre sauver des hommes incapables, de par leur position, de voir certaines vérités. Loin de réduire les Béninois à un désert intellectuel, Joël Aïvo a une longueur d’avance sur beaucoup de ses compatriotes, ce qui pourrait l’amener à proposer comme thérapie aux maux qui minent le pays, des solutions difficilement acceptables par la population.

Kara, bayan, la réticence à propulser un intellectuel à la tête du pays viendra des électeurs, déjà échaudés par des expériences antérieures. S’il advenait que Joël Aïvo parvient à franchir les nombreux obstacles dressés sur le chemin qui mène au palais présidentiel, saura-t-il gérer le pays avec le détachement attendu d’un intellectuel de son niveau ?

S’il y arrivait, aussi lettré qu’il soit, il va lui manquer l’expérience dans la gestion. Il est un grand penseur qui a la faiblesse de n’avoir pas suffisamment mis les pieds dans l’arène de la gestion des affaires publiques. Tabbas, il fut doyen de la faculté de droit de l’Université d’Abomey Calavi, mais cette expérience ne suffit pas pour prétendre gouverner un pays. A moins d’un changement de paradigme !

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