Le phénomène est cyclique et connu de tous. Chaque année entre août et octobre, l’eau sort de son lit. Elle surprend toujours et laisse sans voix les populations des zones lacustres. Hujja, la crue frappe depuis quelques semaines au Bénin. Et cette fois-ci encore, ça crie la détresse de partout. Tafiya, pieds dans l’eau, dans quelques localités temporairement inondées où les impacts de la montée des eaux se font déjà sentis.
« Vraiment! On n’a jamais vu ça », « L’eau de cette année est trop », « Sauvez-nous ». Ces refrains se chantent chaque année et ce depuis des années. Quand l’eau sort de son lit, les populations riveraines des lacs, lagunes et rivières boivent la coupe jusqu’à la lie. C’est le sauve qui peut. Elles sont contraintes d’abandonner leurs maisons en matériaux définitifs ou précaires pour trouver refuges sur des terres fermes ou dans des places publiques, encore, épargnées par l’eau.
La Crue, origine
Elle survient souvent après de fortes pluies. Pour faire simple, a Benin, quand il pleut abondamment le niveau des cours d’eau monte. Les lacs, lagunes ou fleuves débordent et leur trop-plein inonde les terres fermes avoisinantes. « Les fortes précipitations enregistrées ces dernières semaines ou le mois d’août et de septembre ont cessé, ou presque, mais leurs conséquences se ressentent. L’eau est montée dans les bassins des fleuves atteignant jusqu’à neuf (09) Nasarar da ke ɗauke da sa hannun Sadikou Milhah, le pic enregistré à Zagnanado, au centre du Bénin » a rapporté Luc Aplogan, correspond de RFI à Cotonou.
Même si elles sont habituées à l’eau, les populations des villages de Houndjohoundji, de Hêvè et ou encore Hounsoukouè sont obligés de céder face à une alliée devenue ennemie. Champs, gidaje, routes, ponceaux et écoles sont pris d’assaut par les eaux en rebelles issues du débordement du fleuve Mono. Les mêmes constats se font dans la vallée de l’Ouémé avec ces localités de Gbéko, Azowlissè et autres. Ne parlons pas de la cité touristique de Ganvié ou Sô-Ava. Mais pas besoin de sortir de Cotonou pour vivre les affres de la crue 2022. Le Nokoué a atteint un niveau très élevé. L’eau au lieu d’aller à la rivière fait chemin inverse et fait le circuit des collecteurs construits à cet effet. Des caniveaux à ciel ouvert sont débordés et des voies pavées sont inondées, à l’image de celle de Hlacomè, dans le 3e arrondissement de Cotonou.
Perturbations académiques
Il est clair que l’école sera perturbée avec ce qui se passe. Beaucoup d’établissements scolaires du primaire comme du secondaire sont inaccessibles. A cause d’un pont hors d’usage à Athiémé, nombre d’écoliers sont à la maison où vivent loin de leur domicile. Même des écoles de Cotonou sont frappées. A Ahouansori Towéta dans le 6e arrondissement de la capitale économique du pays, l’école primaire est noyée. A Akpakpa, Une école privée sise non loin du caniveau à ciel ouvert de Agbatô, 3e arrondissement de Cotonou, est inondée par moment. A cause de la crue, certains écoliers sont obligés de faire les cascadeurs avant d’aller à l’école. L’eau est sortie de son lit et a rempli les caniveaux de la zone. Ailleurs, comme mentionné plus haut, des écoles sont carrément fermées. Les pistes ou voies qui y donnent accès sont coupées. A kowane hali, on ne les distingue plus tant l’eau a transformé les villages ou quartiers en de véritable océan sans limite.
Sur le plan social et économique
L’heure n’est pas encore au bilan. Mais elle rappelle le douloureux souvenir de 2010 qui a fait 200.000 sans-abris environ avec d’énormes dégâts. Pour l’instant, les sept (07) arrondissements que compte la commune de Grand-Popo, n’échappe à l’inondation. La commune a déjà enregistré, cette année un cas de décès dû à l’inondation, des familles contraintes à partir des habitations pour aller trouver refuge dans les hangars des marchés, tout autour de la route nationale inter-état, à la belle étoile. Au niveau de la cité lacustre de Ganvié, on déplore des décès par noyade. En fin du mois de septembre 2022, un jeune garçon d’environ sept ans a trouvé la mort. « C’est difficile d’aller aux toilettes » informe un habitant de la localité « parce qu’il n’y a nulle part où il faut se soulager. Le garçon mort par noyade est allé aux toilettes à bord d’une pirogue et par mégarde il est tombé dans l’eau en l’absence d’une personne adulte » raconte-t-il. Selon les informations, le niveau de l’eau est à environ 30 cm de celui de 2010. « Comme l’eau est venue, nous ne faisons rien. On n’arrive plus à faire aisément nos activités génératrices de revenus. Tout est bloqué à cause de la montée des eaux » se plaint Jean Zossou, croisé à Hlacomè. Cette situation a mis au ralenti, presque toutes les activités économiques des populations lacustres ou riveraines des zones sinistrées qui ont les pieds, les effets et surtout la tirelire dans l’eau. Ça risque d’en rajouter à la crise économique qui sévit depuis près de deux (02) ans avec l’avènement de la Covid-19 accentuée par la guerre Russo-Ukrainienne.
Conséquences sanitaires
Plus de doute que les maladies hydriques vont se multiplier. Nombre de ces populations utilisent encore l’eau des rivières pour leurs besoins fondamentaux. En même temps qu’elles utilisent l’eau pour la vaisselle ou comme eau de table, certaines la boivent. C’est encore dedans qu’elles se soulagent, pour défaut de toilettes adéquates. « Là où les pâturages et champs se côtoient, s’il faut y ajouter la défécation à l’air libre qui est toujours légion, bravo les dégâts », se désole Marc, instituteur. Il faut juste faire un tour dans la 2e von de Dédokpo, un quartier du 4e arrondissement de Cotonou. Détruits, sachets et emballages non biodégradables et autres déchets surnagent. Ils transforment la rue en un véritable dépotoir sauvage après le retrait temporaire de l’eau par endroits. « Nous arrivons à nous en sortir mais les enfants, inconsciemment pataugent dans les saletés sans savoir les risques qu’ils courent » déplore Brice Agbotrou, habitant du quartier.
Contrairement à sa soudaine façon de sortir des bassins pour envahir les maisons, les champs et les rues, l’eau va repartir avec le temps. Trois (03) semaines voire un mois selon les expériences, mais avant, elle a déjà détruit et continue de détruire. Certains enfants seront privés de l’instruction pendant ce temps. La protection civile par le biais du Ministère des affaires sociales et de la microfinance est interpellée. L’UNICEF et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) sont également appelés à parer au plus pressé. C’est aussi le hautement social.
Arnaud ACAQPO (Col)