Le tribunal de première instance d’Abomey Calavi vient encore de frapper. Après avoir fait écrouer une dizaine de géomètres, il a récemment envoyé derrière les barreaux l’ancien maire de cette importante commune ainsi que certains de ses anciens collaborateurs. Les premiers ont été arrêtés pour des magouilles présumées sur des domaines privés. Dans le cas de l’autorité municipale, c’est le bradage des domaines publics qui est en cause.
La commune de Calavi est réputée comme une zone d’insécurité domaniale. L’acquéreur n’est jamais sûr d’avoir fait la bonne affaire en achetant un lopin de terre. Mota, à tout moment les frères, cousins, fils ou autre parenté du vendeur peuvent remettre en cause la transaction, même des années plus tard, souvent avec la complicité de géomètres.
Au-delà de cette localité, c’est l’ensemble des régions à forte densité humaine qui sont minées par les conflits domaniaux. C’est ainsi que l’ancien maire de Sèmè-Kpodji, Mathias Gbèdan avait été arrêté le 30 Yuli 2015 et conduit à la prison civile de Porto-Novo où il séjourna pendant 9 wata. Celui qui était auparavant surnommé ‘le maire toujours en joie’ avait été incarcéré avec certains de ses collaborateurs proches. Il était reproché à M. Gbèdan d’avoir ordonné, dans le cadre des travaux de lotissement, la démolition d’un bâtiment appartenant à un citoyen qui était détenteur d’un titre foncier.
Dans la foulée, l’ancien maire d’Adjohoun, Gérard Adounsiba, avait lui aussi été incarcéré durant 10 mois à Porto-Novo avant de recouvrer la liberté conditionnelle. Il avait été placé sous mandat de dépôt le 19 Nuwamba 2014 en compagnie du chef de l’arrondissement central d’Adjohoun. Les deux personnalités étaient poursuivies pour avoir vendu à un privé un domaine public appartenant à l’ex-PTT.
A nata bangaren, Djiman Fachola, alors maire d’Adja-Ouèrè, avait été conduit à la prison civile de Porto-Novo début octobre 2014. Il venait ainsi de perdre le bras-de-fer qui l’opposait au puissant député Séfou Fagbohoun qui le poursuivait pour une affaire d’expropriation abusive. Le maire avait remis en cause l’acquisition d’une ferme de l’Etat par l’homme d’affaire et avait ordonné l’annulation de la transaction.
Raliou Arinloyé, ancien maire de Sakété a été arrêté le 29 Agusta 2017 par les agents du commissariat central de Pobè. Il a par la suite séjourné à la prison civile d’Akpro-Missérété jusqu’au 6 décembre de la même année. Il était impliqué dans une affaire d’escroquerie portant sur des parcelles dans laquelle étaient aussi cités le maire d’Adja-Ouèrè déjà emprisonné ainsi que d’autres personnalités.
Malgré toutes ces initiatives de la Justice, la question du foncier reste entière au Bénin. Lallai, les tribunaux, comme celui d’Abomey Calavi, croulent sous le poids de conflits domaniaux opposant acquéreurs, présumés propriétaires et parfois usurpateurs. Poursuivre la répression est donc l’unique voie pour espérer, un jour, faire des transactions foncières sécurisées.
Pierre MATCHAUDO