Que cela ait été intentionnel ou non, la rencontre furtive du premier responsable de la Cena (Commission électorale nationale autonome), Sacca Lafia, avec Yayi Boni à Parakou le samedi 6 janvier 2023 est un message clair adressé au président Patrice Talon dont le mandat tire vers sa fin.
La vidéo d’une brève rencontre entre l’ancien président Yayi Boni et le président de la Cena a fait le tour des réseaux sociaux samedi. « Qu’est-ce qu’ils peuvent bien se dire, Boni Yayi et l’homme qui rend tout caduc en un temps record ? », s’interrogeait l’auteur du post qui fut abondamment partagé. Relayant l’information, plusieurs médias ont attribué la rencontre au hasard.
Ce show auquel ont assisté les nombreux militants qui entouraient Yayi Boni a suscité un grand intérêt parce que, jusque-là, les deux hommes appartiennent à des blocs politiques antagoniques. Ancien ministre de l’intérieur de l’actuel régime puis président de l’organe en charge des élections, Sacca Lafia doit beaucoup au chef de l’Etat, Patrice Talon qui lui a donné le pouvoir et une certaine puissance tout au long des huit dernières années.
Egalement ministre puis député nommé par Yayi Boni lorsqu’il était encore président, Sacca Lafia s’est par la suite métamorphosé en reniant ce dernier pour rester au plus près du Palais. Comme lui, ils sont nombreux ces cadres –ministres, députés et autres- qui ont retourné leurs vestes au crépuscule du régime Yayi Boni, parfois de manière spectaculaire. Depuis 2016, ces transhumants politiques ont soigneusement évité de croiser sur leur chemin l’homme auquel ils faisaient allégeance.
La rencontre de samedi dernier est-elle donc fortuite ? Ce n’est pas si sûr. Certes, les deux hommes étaient à l’église à l’occasion de deux activités différentes. Yayi Boni et ses partisans en sortaient lorsque Sacca Lafia et une délégation de personnalités y entraient pour une messe en faveur du président du Conseil économique et social récemment décédé.
Mais, comme par le passé, l’homme de Pèrèrè aurait pu soigneusement esquiver son ancien patron, comme l’ont fait les autres membres de sa délégation. Cela, par peur de ce que dira le président Talon. Seulement, ce patron s’achemine progressivement vers la fin de son mandat, devenant par la même occasion moins redoutable. Dans la jungle, les animaux n’ont pas peur du vieux lion.
Samedi dernier, Sacca Lafia a donné le top. Beaucoup d’autres tenteront de prendre langue avec l’opposition, même si ce sera nuitamment. Exactement comme à quelques mois de la fin du régime Yayi Boni en 2016. Dans un contexte marqué par la volonté de changer la constitution, c’est un message clair à qui de droit.
Pierre MATCHOUDO