Après la rencontre entre le président Ivoirien Alassane Ouattara et son ancien rival Laurent Gbagbo, Patrice Talon va-t-il bientôt rencontrer son prédécesseur, Yayi Boni, pour fumer le calumet de la paix ? Plus rien ne semble impossible après que le chef d’Etat a tendu sa main en dépêchant un émissaire à Tchaourou. Mais, que d’obstacles sur le chemin !
Le Médiateur de la République s’est rendu, jeudi 29 juillet 2021, à Tchaourou, la ville natale de l’ancien président Yayi Boni sur initiative du président Patrice Talon. Pascal Essou est allé présenter les condoléances de la République suite au décès de la sœur ainée de Yayi Boni. Mais la véritable mission était d’amorcer des pourparlers en vue de la réconciliation entre les deux personnalités qui sont en conflit ouvert depuis des années. Sur place, l’émissaire a rencontré les proches de l’ancien chef de l’Etat, absent du pays depuis quelque temps.
C’est la deuxième fois que le président Talon tente de prendre langue avec son prédécesseur. En tournée nationale, il avait profité de l’étape de Tchaourou pour solliciter un apaisement entre lui et l’ensemble des fils de cette localité, Yayi Boni en tête. « Cette main tendue est toujours restée ouverte », a déclaré le Médiateur de la République qui, de concert avec les autres présidents des Institutions de la République, travaillent à détendre l’atmosphère politique.
Après plus de sept ans de collaboration idyllique sous la présidence de Yayi Boni entre 2006 et 2016, la relation entre les deux « amis » s’est tendue au point où Patrice Talon s’est vu obligé de s’exiler. En cause, plusieurs dossiers autour desquels les points de vue et les intérêts divergent, comme le Programme de vérification des importations dit de nouvelle génération. L’arrivée au pouvoir de Talon en 2016 a donné une nouvelle tournure à cette inimitié, le chasseur désormais devenu la proie.
Les tentatives de conciliation, même internationales, n’y ont rien changé. Au contraire, avec les élections violentes, l’exil et les arrestations des opposants, le fossé s’est davantage creusé. C’est dans ce contexte que les présidents des institutions, quasiment tous nouveaux, ont décidé de se mettre dans le jeu et de peser de tout leur poids pour rapprocher les deux leaders.
Alors, Patrice Talon-Yayi Boni : bientôt une poignée de mains ? Probablement, mais cette réconciliation tant souhaitée par plus d’un va au-delà des personnes des deux protagonistes. Elle concerne l’ensemble de la classe politique, en tout cas la frange qui s’identifie au-désormais opposant numéro 1 du président de la République. Reckya Madougou, candidate désignée par le parti “Les Démocrates “, Joël Aïvo, lui aussi candidat à la dernière élection présidentielle séjournent en prison depuis la période de campagne électorale, tout comme bien d’autres acteurs politiques de l’opposition. De même, ils sont nombreux à avoir pris le chemin de l’exil. Yayi Boni aurait bien voulu saisir la main tendue qu’il ne le pourrait pas sans paraître comme un traitre aux yeux de tous ceux-là qui combattaient à ses côtés.
Beaucoup de choses se sont passées lors des dernières élections. Mais aussi, en Côte d’Ivoire, il y a eu une guerre entre le camp Alassane Ouattara et celui Laurent Gbagbo avec, pour résultat plus de 3000 morts. Ce passif a été épongé au nom de la réconciliation nationale. Au Bénin, aucun bilan des violences électorales n’est disponible. Mais ce qui est certain, c’est qu’il reste bien en-deçà et très loin du carnage ivoirien. Il est donc possible de faire table rase du passé et de repartir à zéro au nom de la paix.
Acquitté par la Cour pénale internationale (Cpi), Laurent Gbagbo a pu rentrer au pays après avoir reçu la garantie qu’il ne sera pas arrêté pour sa condamnation, dans son pays, à une peine de 20 ans de prison. Simone Gbagbo, sa désormais ex-épouse, avait elle aussi écopé d’une peine de 20 ans mais celle-ci a été tout simplement annulée au nom de la réconciliation nationale. Après le décès de l’ex-première dame du Bénin, Rosine Soglo, son fils Léhady, maire démis de Cotonou et en exil, a décidé de revenir prendre part aux obsèques de son illustre mère malgré une peine de 10 ans de prison qui pèse comme une épée de Damoclès sur sa tête. Ce retour annoncé constitue, sans doute, un véritable test pour la réconciliation nationale au Bénin.
Pierre MATCHOUDO