Messieurs, si vous êtes auteur d’une grossesse, allez-vous dénoncer -pardon : allez faire une déclaration- à la mairie dans les trois premier mois de celle-ci. C’est ce à quoi vous oblige une loi adoptée quelques mois avant l’arrivée du président Talon au pouvoir.
En effet, selon la loi 2015-08 du 08 décembre 2015, « aucune mère ne peut attribuer à l’enfant nouveau-né le nom d’un présumé géniteur que sur présentation d’un certificat de mariage ou d’une déclaration de reconnaissance de la grossesse établie par l’officier de l’Etat civil. Aucune sage-femme, aucun médecin accoucheur ne peut inscrire sur la fiche de naissance le nom d’un quelconque présumé père si la femme n’apporte pas, au moment de l’accouchement, la preuve du mariage ou de la reconnaissance de la grossesse ».
Cette loi, adoptée sous l’impulsion des féministes, n’était cependant pas suivie des modalités d’application, ce qui en faisait une disposition sans suite. Depuis janvier, la boucle est bouclée. La loi 2020-34 du 06 du janvier 2021 stipule que ceux qui ne déclareraient pas, au cours des trois premiers mois, les grossesses de leurs femmes ou copines seront passibles de trois mois à un an de prison et jusqu’à 250.000 francs d’amande. De même, si cette déclaration n’est pas faite, l’enfant à naître portera le nom de sa mère et non celui de son père.
En France –puisque le concept a été copié de ce pays ancien colonisateur du Bénin, la non-déclaration de naissance n’est pas passible de prison. Plutôt, elle donne des avantages directs. Si vous déclarez la grossesse avant la fin du troisième mois, vous bénéficiez au plus vite de la prise en charge au titre de l’assurance maternité. Au Bénin, en lieu et place de bénéfice, c’est la prison et les amendes.
A travers cette initiative, le législateur vise à protéger les femmes et les enfants face à l’irresponsabilité de certains hommes qui abandonnent leurs compagnes enceinte. Une déclaration astreint à certaines responsabilités, comme de s’occuper les dépenses découlant de la grossesse et aussi éventuellement la pension pour que la mère s’occupe de l’enfant après sa naissance.
D’après certaines femmes, cette disposition fera réfléchir par deux fois des hommes qui s’adonnent aux escapades extraconjugales. La crainte de devoir aller à la mairie les rendrait plus sage parce qu’ils n’aimeraient pas que leurs épouses soient informées de leurs aventures.
Mais, dans la réalité, il n’est pas certain que les bénéfices escomptés pèsent lourd face aux inconvénients de cette disposition. Au contraire, elle risque de porter de graves préjudices aux enfants. La loi n’oblige personne à reconnaitre une grossesse s’il n’est pas convaincu d’en être l’auteur. Ce sera donc la parole de la femme contre la sienne, comme cela se passe très souvent avec les adolescents, des hommes mariés ou ceux qui ne font plus confiance en leurs compagnes. Du coup, qu’adviendra-t-il de l’enfant à sa naissance ? Sûrement, il portera le nom de sa maman puisque la femme n’est plus autorisée à donner le nom du présumé père sans que celui-ci ait accepté les fait. Dans les sociétés africaines et béninoises en particulier, un enfant qui porte le nom de sa mère est généralement considéré comme un enfant bâtard. Il n’est donc pas loin, ce temps où le Bénin comptera beaucoup de bâtards.
Maintenir la loi en l’état, c’est donc violer le droit fondamental et la dignité des enfants dont les présumés pères auront refusé d’assumer leurs responsabilité en leur temps. Faut-il faire payer à l’enfant la faute de ses parents ? Dans certains pays, lorsque la mère n’est pas mariée au père, l’inscription suivante figure sur l’acte de naissance de l’enfant : « Père : Inconnu ». Les droits des enfants ayant évolué, les législations de ces pays ont suivi la tendance et rectifié le tir en mentionnant le nom du père tel que dévoilé par la mère. Pendant ce temps, le Bénin est en train de faire un pas en arrière.
Pierre MATCHOUDO