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Dans l’univers des sportifs béninois : Coach Chèchè, une vie en foot

Emmanuel Urbain Chèchè, tel que prénommé par ses géniteurs. Mais dans le milieu du football, appelez-le « Coach ». Ce titre est celui qui lui va le mieux depuis 30 ans qu’il est entraîneur.

Junior ISSA

Entraîneur, encadreur, sélectionneur, il l’a été aussi bien avec les dames qu’avec les hommes. Agent de joueurs Fifa, Chèchè l’est toujours même si, sous l’emprise de la maladie, il s’est vu contraint de ne plus continuer dans ce secteur. Expédit Dossou-Gbété, Euloge Sacramento, Léon Bessan, sont entre autres des joueurs ayant transité par ses compétences pour l’extérieur. En vérité, la vie de Chèchè est en ballon rond.

L’homme qui respire le football

71 ans bien révolu, teint tirant sur le noir, la calvitie bien prononcée au milieu de quelques cheveux blancs, menton traversé par quelques poils blancs, font office de barbiche sous le menton du vieil homme. Respectueux, correct, sage, très discipliné, il n’a eu qu’un seul carton rouge dans sa carrière alors joueur des Requins face à la formation nigériane de Rangers du Nigeria. C’était au stade René Pleven.

Ses origines Sèto Djègandaho, une ethnie circonscrite à quelques encablures de Porto-Novo, la capitale politique du Bénin, lui ont fait adopter, à côté des maillots ou survêtements sportifs, le boubou sans manche comme préférence vestimentaire, souvent cousu avec des pagnes africains. En le voyant boitiller du pied droit, on pourrait croire à l’impact d’une vieille blessure contractée sur un terrain de football, mais c’est juste l’effet de la posture naturelle de ses jambes arquées, renforcées par le poids de l’âge.

Footballeur depuis son enfance

1, 65m, Coach Chèchè a touché au ballon dès son jeune âge, à 7-8 ans alors que son papa ne l’en entendait pas de cette oreille. « Un jour, il m’a ligoté comme ça », faisant le geste des deux mains l’une posée sur l’autre. Dans l’univers footballistique du joueur d’alors, on peut citer des clubs tels que : Asso Porto-novo, Mogas 90, Requins de l’Atlantique, ABC du Nigeria. Un pays devenu son 2ème pays. Ce qui lui vaut le sobriquet le « Nigérian » qu’il accepte volontiers. Pourquoi avoir opté pour une aventure au Nigeria ? « C’est parce que certains de mes compatriotes Dovi Lakoussan, Médard Houéyèvi et Valère Houandinou y sont allés et moi aussi, j’ai décidé de leur emboiter le pas », répond-t-il. Déterminé, il laissa son travail à la Sobebra, la société de brasserie d’alors et débarqua au pays des Super Eagles. Présent au terrain pour le test de recrutement, il fut retenu après seulement une trentaine de minutes de séance d’entraînement par l’entraîneur du club qui, auparavant lui demanda s’il est vraiment un footballeur. L’apothéose, c’est sa sélection dans l’équipe de l’Etat de Lagos avec un poste de titulaire. Une première pour un Béninois dans un pays où foisonnent des talents. Des souvenirs de ce pays, il en garde des bons et des meilleurs.

Les souvenirs de l’homme

Son grand souvenir positif, il l’a de son histoire avec la Coupe de l’indépendance qu’il remporta en tant que joueur et entraîneur avec un seul club, Mogas 90. En 1972, alors joueur de Asso Porto-novo, club mythique de la capitale des années 60, il souleva le trophée pour la première fois après une finale remportée devant Cheminots FC sur un score de 3-2. Match difficile car au sein de l’équipe de Cheminots FC, il y avait un redoutable joueur nommé Raphael De Souza que le coach Chèchè appela affectueusement « Sorcier ». Attaquant et buteur dans cette finale au stade Charles de Gaulle de Porto-Novo, Chèchè se souvient de son but marqué comme si c’était hier. Sur une passe de Nourou Bello, son meilleur complice sur le terrain, il récupéra le ballon, échappa à cinq défenseurs, dribbla le gardien de but et conduisit le ballon jusqu’au fond des filets, comme à l’entraînement. « Au Bénin, aujourd’hui, il y a des joueurs de qualité mais les footballeurs actuels ne se donnent pas assez», se désole-t-il. « Ce but, je n’arrive jamais à l’oublier », martela le septuagénaire, subitement pris d’émotion, les mains tremblotant et les lèvres hésitantes. Entraîneur adjoint du Mogas, il a goûté aux délices de cette compétition aux côtés d’autres techniciens nationaux notamment Christophe Dossou-yovo, Fortuné Glèlè, Vincent Flacandji, César Dagba, Edmé Codjo. Les Requins, les Dragons, les Buffles, Soleil FC sont entre temps passés à la trappe devant Mogas dans cette compétition. Un rappel du vieil homme vite stoppé par un trou de mémoire. Au total par 09 fois, il a remporté cette Coupe de l’indépendance. Alors, il se dit navré de l’indifférence à lui accordée ces dernières années par les organisateurs. Entre le coach Chèchè et la coupe de l’indépendance, existe-t-il une histoire d’amour ? « C’est vraiment ça », rétorque-t-il, « et c’est parce que je n’aime jamais qu’une coupe m’échappe »,  souligne-t-il avec un léger sourire.

Son plus mauvais souvenir sur une aire de jeu, fut ce jour-là où dans un duel, son adversaire visa sa tête. Le choc fut violent. Il passa 48 heures dans le coma. Mais miracle, il revint à la vie au moment où les parents prédisaient déjà le pire.

L’ennemi de l’alcool

Comme tout homme, coach Chèchè a ses moments de vice. Mon ami Feu Jean-Marie Zohougbogbo aimait m’amener en boîte de nuit. « Si aller en boîte de nuit est un défaut, j’ai alors ce défaut et puis dans ma vie, il n’y a qu’une seule femme qui m’a fait d’enfants, en voici un autre défaut. Si c’en est un», ironise-t-il.  Mais jamais, il n’a pris une goutte de bière ou d’alcool et ceci quand bien même il jouait au sein de l’équipe de la Sobebra. Sa boisson préférée a toujours été l’eau. « Les jeunes footballeurs d’aujourd’hui aiment trop les bars. Comment peuvent-ils jouer au football ? », s’interroge-t-il avec un air de désolation teinté d’amertume.

Chèchè, croyant !!!

Spirituel, coach Chèchè l’est profondément mais à sa manière. Croyez-vous en Dieu ? Oui je crois en Dieu mais on est au Bénin. « Vous savez, j’ai joué un match très mystique dans ma carrière et cela m’est resté au travers de la gorge. « Avant ce match, quelqu’un nous prédit qu’on verra ce qu’on n’a jamais vu. Réellement au cours du match, par trois fois on a tiré dans les filets. On allait chercher le ballon derrière les filets. On vérifiait si les filets étaient percés. Il n’en était rien et chaque fois l’arbitre ordonnait de poser la balle aux 6 mètres ». Ce que je vous dis, c’est du vécu mais je ne peux pas vous révéler l’identité de l’auteur de ce fait insolite.

Le défenseur  des jeunes footballeurs ?

A la question de savoir s’il y a des talents au Bénin. Sa réponse est sans ambages « Le Béninois est doué mais fainéant ». Si au Nigeria lors de notre aventure professionnelle, trois parmi nous sur les quatre étaient devenus des titulaires dans un pays comme le Nigéria, c’est parce qu’on a travaillé notamment sous la houlette de Feu Atta Pinçon, grand formateur de renom.

Membre de l’Amicale des anciennes gloires du Dahomey, le coach Chèchè nourrit l’ambition de défendre les jeunes footballeurs de nos championnats souvent privés de salaire, de primes par les promoteurs de clubs quand bien même le gouvernement y met les moyens. « Entretenez les joueurs, soignez-les car ce ils ne sont pas des voyous ». Ceci est un cri de cœur du Coach Emmanuel Urbain Chèchè.

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